Peut-on faire la prière au travail ? (entreprise privée)

Cette semaine, la Chronique Juridique I&I s’est penchée sur la législation en matière de prière au travail (durant les temps de pause bien sûr!).

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La problématique de la prière au travail suscite de nombreuses interrogations. Elle s’inscrit plus généralement dans celle des droits et libertés du salarié du secteur privé.

Il ne s’agira pas ici de pousser à la « prière sauvage » ou de faire du prosélytisme. Bien au contraire ! Cet article souhaite simplement répondre aux lecteurs et lectrices qui ont posés à de nombreuses reprises la question.

Peut-on prier dans une entreprise sur son temps de pause ?

La réponse est sans équivoque : Oui, vous pouvez prier durant vos temps de pause sous certaines conditions.

Au delà de la liberté de culte (notamment prévue par l’article 18 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme), rappelons que l’article L-1121 du code du travail dispose que :

Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. 

 

Les droits et libertés du salarié du secteur privé ne s’arrêtent pas aux portes de l’entreprise (même s’il doit faire preuve d’une certaine réserve quant à l’expression de sa foi).

A cet égard, deux restrictions peuvent justifier des limitations à la pratique religieuse en entreprise: soit des impératifs de sécurité et de santé (L’article 9-2 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme), soit des impératifs lies à la nature de la tâche à accomplir par le salarié (CA Paris 16/03/2001 au sujet d’une femme voilée refusant de porter les vêtements d’une marque dont elle était salariée, et CA Versailles 21/11/2006). 

La pause constitue un droit pour le salarié, qui peut en jouir comme il l’entend, dès lors que cette activité ne nuit pas aux autres salariés ou à l’entreprise.

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A titre d’illustration, nous pouvons citer un précédant judiciaire en la matière.

Un salarié a été licencié aux motifs d’avoir été « pris en flagrant délit de prière musulmane sur le lieu de travail devant [ses] collègues en bande organisée, dans le restaurant et pendant [ses] horaires contractuels… ».

Le Conseil prud’homales a considéré que l’employeur avait fait preuve d’un manque de discernement blâmable quant à ses termes utilisés dans la lettre de licenciement.

De telles déclarations constituent une discrimination, qui rappelons-le est susceptible de poursuite pénal. Dans de telles circonstances, le Conseil a annulé le licenciement et condamné l’employeur (Conseil de Prud’hommes de Paris, 3 novembre 2011 RG N° F 10/16025).

Il apparaît évident que parler de « prière en bande organisée » place l’employeur en bonne course pour le prochain prix de l’islamophobe de l’année !

En résumé, toute personne peut prier sur son lieu de travail durant ses pauses, du moment que les impératifs de sécurité et d’hygiène ou santé ne les en empêchent pas.

Cependant, si un salarié a le droit de prier durant son temps légal de pause, il ne peut exiger de son employeur que celui-ci lui aménage des horaires spécifiques ou un local particulier afin qu’il puisse pratiquer sa foi (CEDH 13 avril 2006 Kosteski /c République Yougoslave de Macédoine).

Lamir Hassouni

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