Apologie du terrorisme : Amnesty International interpelle la France sur la vague d’arrestations

Dans un communiqué d’Amnesty International en date du 16 janvier, l’ONG fait part à la France de son inquiétude sur la vague d’arrestations qui touche le pays suite aux attentats contre Charlie Hebdo. 69 arrestations sont décomptées ayant pour nature l' »apologie du terrorisme ». La possibilité de dérive judiciaire est soulevée.

« Le risque est grand que ces arrestations violent la liberté d’expression ».

Le directeur du Programme Europe et Asie Centrale d’Amnesty International, John Dalhuisen, considère que le terme « apologie du terrorisme » est trop vague, trop ambigu. 

« La liberté d’expression ne doit pas être réservée à certains. L’heure n’est pas à l’ouverture de procédures inspirées par des réactions à chaud, mais bien plutôt à la mise en place de mesures réfléchies qui protègent des vies et respectent les droits de tous », dénonce-t-il.

La « provocation » ou « l’apologie d’un acte terroriste » ont été notées comme infractions punies par le Code pénal depuis fin 2014 ce qui donne la possibilité aux autorités « d’accélérer les procédures ». Les peines peuvent aller de 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende jusqu’à 7 ans de prison et 100 000 euros d’amende. 

A ce jour, la peine la plus lourde connue concerne un homme résidant à Valenciennes qui aurait fait l’apologie des deux frères Kouachi alors qu’il était sous l’emprise de l’alcool et a été condamné à 4 ans de prison. 

Le mot d’ordre a  été donné par Christiane Taubira, ministre de la Justice : sévérité. Dans une circulaire datant du 12 janvier, elle déclare :

« les propos ou agissements répréhensibles (…) doivent être combattus et poursuivis avec la plus grande rigueur ».

Amnesty International relève toutefois que de nombreux cas d’arrestations n’ont pas les conditions requises pour des poursuites judiciaires bien que les discours tenus peuvent être choquants et « révoltants ».

La Ligue des Droits de l’homme par la voix de son président, Pascal Nakache, déplore également de possibles dérives judiciaires et s’inquiète de l’efficacité de ces mesures craignant une radicalisation en prison. 

Des professionnels travaillant sur le terrain se rangent aussi vers cet avis. Par exemple, une éducatrice titulaire de la  Protection judiciaire de la jeunesse témoignant dans le Nouvel Obs déclare : 

« Je suis effrayée par la réaction Vigipirate des institutions de la République, sans plus de raison, de discernement, chacun suivant les directives de sa hiérarchie, démultipliant la rigueur pour mieux exposer aux médias la réaction des institutions. Parce qu’un des arguments pour ces réactions en chaîne, le premier souvent avancé, c’est celui-là :« On est sous le regard des médias, de l’opinion publique. » »

La justice doit savoir garder la tête froide surtout quand les arrestations concernent des enfants. La « folie collective » décriée par cette éducatrice habituée aux rouages institutionnels et les alertes lancées par les ONG fait  craindre de graves dérives échos d’une bien sombre histoire… 

Partagez :