Ibn Badis ce constructeur du futur

Ibn Badis ce constructeur du futur

Nous vous proposons ici un texte relatant l’œuvre de Ben Badis.

Même si le propos est parfois maladroit notamment dans son tropisme « salafi », il a le mérite de mettre en lumière le travail énorme effectué par Sheihh Ben Badis en Algérie.

Dans une Algérie colonisée aux mains des envahisseurs français, le sheikh s’affaira à construire un futur islamique et indépendant pour les jeunes esprits algériens enfin réveillés.

Cette entreprise fut une darwa dans le dogme contre le marouboutisme et les hérésies instillés par le colon, une bataille d’idée contre les idéologues « progressistes » vendus aux colonisateurs mais aussi une édification de cellules d’enseignements, instituts, écoles et journaux capables de former les nouvelles générations.

Aujourd’hui en France les méthodes n’ont pas changé certes mais admirons ce qu’à pu faire Sheikh Ben Badis avec beaucoup moins que nous … et mettons nous enfin au travail.

 

Au Nom d’Allâh, Le Tout-Miséricordieux, Le Très-Miséricordieux

Avant-propos

«Louange à Allâh qui a fait qu’il y ait des savants restant à chaque époque marquée par l’interruption de Messagers. Ils appellent les égarés vers la guidée, tout en endurant le mal qu’ils leur font. Avec le Livre d’Allâh, le Tout-Puissant, ils revivifient les morts-vivants. Et avec la Lumière d’Allâh, ils rendent voyants les gens frappés d’aveuglement. Combien de personnes assassinées par Iblis (le Lucifer) ont-ils ressuscitées ? Combien d’errants ont-ils ramenés à la guidée ? Comme est très joli leur effet sur les gens, et est affreux l’effet des gens sur eux ! Ils rejettent du Livre d’Allâh la falsification des fanatiques, la mutation des faussaires et l’interprétation des ignorants. Tous ceux-ci ont levé les étendards de l’hérésie et donné libre cours aux tentations. Ils divergents sur le Livre (le Qour’ên), s’opposent au Livre et s’accordent à s’écarter du Livre. Ils disent au sujet d’Allâh et parlent de Lui et de Son Livre sans science. Ils discutent en usant des paroles ambiguës et dupent les personnes ignorantes par l’usage des équivoques. Nous implorons la protection d’Allâh contre les tentations des égareurs !»

Et que la Prière et la Salut d’Allâh soient sur notre Prophète et Messager Mouhammed qui a dit : « Certes, les oulémas sont les héritiers des Prophètes. »

 Cela dit, sans aucun doute, fait partie des héritiers des Prophètes, l’illustre érudit, l’imam Salafi, le cheikh ‘Abd El Hamid Ibn Badis -qu’Allâh lui accorde Sa vaste miséricorde-. Un Imam de piété et de réforme par excellence, qui, malgré sa vie, qui n’était pas longue, il est quand même parvenu à faire renaître les préceptes authentiques de l’islam dans l’Algérie, à jeter l’éveil religieux et social au sein du peuple algérien. Ce peuple qui avait enfin pris conscience des raisons de la réalité invivable infligée par l’occupant français durant les trop longs lustres enténébrés de sa présence en Algérie. Une prise de conscience qui révéla aux valeureux enfants de ce pays les visées réelles, latentes et apparentes, de l’innommable brute coloniale qui campait dans leur pays depuis plus d’un siècle (si l’on compte la durée dès 1830 à 1940, dates respectives de l’occupation française et de la mort d’ibn Badis), consacrant des moyens infernaux afin d’y perpétuer son « séjour » !

Dans cet opuscule, nous survolerons les étapes jalons de la vie d’ibn Badis, afin d’obtenir un aperçu général de sa biographie, qui, elle, projettera un regard panoramique sur une étape de l’histoire d’Algérie. Pour ainsi faire, nous nous baserons sur des intertitres dont la substance sera puisée d’ouvrages et de revues traitant du sujet d’Ibn Badis. L’intention de notre épître, notons-le, s’inscrit dans une démarche qui fait montre du visage, le vrai, de notre religion, l’islam. Divulguer les vertus et valeurs parfaites de l’islam, que les plumes de ses détracteurs, faussaires et mensongères, n’ont de cesse de défigurer et d’escamoter, est, en fait, une tâche à laquelle doit se livrer tout musulman soucieux de sa religion. Rendre plus manifestes les bienfaits de cette religion dernière en serait le résultat que souhaiterait voir non seulement les gens qui travaillent dans ce champ, mais tout croyant attaché à elle.

C’est bien pour tous ces motifs que nous avons opté pour la présentation d’un aperçu de la vie de l’imam Ibn Badis, à l’occasion de la journée du savoir (yewm el ‘ilm), de l’année 2010, correspondant au soixante-dixième anniversaire de son décès -qu’Allâh lui fasse miséricorde-.

Cela étant, il est de plus un fait qu’écrire ou discourir sur les grands hommes, fils vaillants de l’islam, serait un rappel de ses mérites et bienfaits, car, l’islam n’est, en effet, que la religion productrice très fertile de ces hommes qui illuminent l’humanité depuis déjà près de quinze siècles, et Loué soit Allâh!

— Aperçu général de la situation prévalant en Algérie avant la naissance d’Ibn Badis :

Quiconque cherchera à savoir dans quel état se trouvait l’Algérie rien qu’aux cinq premières décennies suivant le débarquement militaire de la France, sera frappé de stupeur des conséquences dévastatrices d’une colonisation qui avait pour but de décimer, au sens propre et figuré, toute une nation.

Effectivement, tel que l’affirment les textes historiques, sur tous les plans: social, religieux, culturel, économique, etc., le peuple algérien était dépossédé de ses droits les plus élémentaires d’être humain digne de ce nom. Comme il était, aussi, victime de toutes les atrocités qu’un criminel barbare et inhumain peut commettre contre ses victimes. Voire inimaginables sont les carnages qui étaient infligés à notre peuple et dont nous souffrons des conséquences sur nos terres jusqu’à ce jour !

Pour décrire la réalité désastreuse qui prévalait à cette époque, nous cédons la parole à un éminent érudit, le collègue et bras droit d’ibn Badis, le cheikh Mouhammed el Bachir el Ibrâhîmi -qu’Allâh lui fasse miséricorde-, qui a porté un témoignage aphoristique sur la barbarie du colonisateur français; il a dit:

«Le colonisateur français est venu dans ce pays comme les maladies qui surviennent, elles  apportent avec elles la mort et les causes de la mort ! » ; et il a également déclaré dans un autre vibrant témoignage : « La colonisation est une tuberculose. Elle combat tout ce qui est susceptible de renforcer l’immunité d’un corps sain. Et dans ce pays, elle administre ses lois afin d’annuler les règles islamiques. Elle a aussi commis des sacrilèges contre l’inviolabilité des lieux de culte, et combattu la foi au moyen de l’athéisme, l’enseignement par la propagation de l’illettrisme, et la langue arabe avec cette anarchie qui n’établit correctement ni expression ni réflexion.

À vrai dire, la France coloniale a déversé toute sa monstruosité dans le but de déraciner tous les repères de l’islam, et de creuser des fossés insurmontables entre les Algériens et leur religion. Car, étant persuadée que les musulmans puisent leur force de leur religion, la France a donc multiplié ses manœuvres dans le sens de détruire tout ce qui est islamique, et d’ériger à la place les enseignements du christianisme. Et pour s’assurer du gel de toute source capable d’alimenter l’activité islamique, la brute coloniale s’est livrée à la dépersonnalisation de l’identité religieuse algérienne par des procédés sorciers, tels que le fait de s’accaparer des weqfs, seule ressource financière de l’enseignement religieux de l’époque ; l’usurpation des mosquées dont la majorité furent démolies (notons qu’à Alger seule, il y avait 122 mosquées et qu’en 1899 ne restaient que 5 !), alors que d’autres étaient transformées en bureaux, en casernes militaires, en églises… Ces mosquées représentaient autrefois des lieux de savoir et de connaissance comme le sont les écoles et les universités d’aujourd’hui.

La France coloniale a également instauré, comme l’a souligné le cheikh el Ibrâhîmî, plusieurs lois afin d’entraver et de limiter la liberté de l’enseignement et de l’apprentissage, et ce par le moyen entre autres de se mêler dans la programmation et l’établissement des méthodes d’enseignement.

Elle a ainsi interdit d’enseigner l’exégèse du Qour’ên, surtout les versets qui incitent au combat, elle a entravé l’apprentissage de la langue arabe littéraire, langue du Qour’ên et de l’islam, qu’elle a concurrencé par la propagation de l’enseignement des dialectes arabes, et donné libre cours à la prolifération des écoles françaises qui enseignaient certains enfants algériens suivant une méthodologie francisante et laïque, pour qu’ils se vanteront plus tard que leur pays est la Gaule et que leurs ancêtres sont les Gaulois !; qu’il n’existe pas de pays qui s’appelle l’Algérie, tel qu’a eu l’audace de le dire un certain étudiant algérien formé dans ces écoles :  …Je n’accepterai pas de mourir à cause de ce ’’pays algérien’’, car il n’existe même pas !». En somme, la colonisation française n’a épargné aucun effort pour éradiquer définitivement l’islam des terres algériennes. Et en réalité, tout ce qui vient d’être dit n’est qu’une très modeste illustration des crimes et génocides physiques et moraux perpétrés par le colonisateur français.

— Naissance et parenté de l’Imam Ibn Badis :

Ce fut dans cette atmosphère de troubles énormes et d’instabilité généralisée dans toute l’Algérie que naquit le cheikh ‘Abd el Hamid ibn Badis, le 10 Rabî‘ Eth-Thêni 1308, correspondant au 04 décembre 1889. Son père est Mouhammed Mostafa ibn Makki ibn Badis ; et sa mère est Zahîra bint ‘Ali el Akhal ibn Djelloûl.

L’imam ibn Badis appartient à une famille très célèbre, descendante d’une tribu berbère appelée Sanhadja. Cette dernière joua un rôle principal dans l’histoire du pays durant les ères musulmanes prospères au Maghreb islamique.

L’arbre généalogique de l’Imam Ibn Badis s’étend à Bologhine ibn Ziri, fondateur de la dynastie berbère des Zirides régnant sur l’Ifriqiya au 10ème S. grégorien. C’est également celui-là même qui fonda les trois villes: Alger, Miliana et Médéa pendant le règne des Zirides. De plus, dans le lignage d’Ibn Badis figure El Mouiz Ibn Baids, un de ses arrières grands-pères, qui, en 1048 G. délivra le pays de l’emprise des chiites d’alors, surnommés les Fatimides.

— Ses caractères physiques et moraux :

Le cheikh ibn Badis -qu’Allâh lui fasse miséricorde- était de taille moyenne, ni trop grand ni trop petit, de peau blanche, et de belle allure. Son visage était embelli par une barbe qui donnait de l’aura à son apparence physique. Le cheikh jouissait également d’une prestance que pouvait remarquer quiconque le voit. Celle-ci était due à sa dévotion et sa foi. Il s’habillait d’une gandoura et d’un burnous, et se coiffait d’un turban blanc. Ses vêtements ne descendaient jamais au-dessous de ses chevilles, suivant, dans ce comportement vestimentaire, la conduite du Prophète -sur lui le salut- et des pieux prédécesseurs de cette Nation.

Moralement, l’imam ibn Badis était un homme séduisant et convainquant. Sa science et son éloquence faisaient de lui une personne charismatique exerçant un puissant attrait sur ses interlocuteurs. Son collègue el Ibrâhîmi disait de lui à ce sujet : «Comme est puissante l’attirance qu’exerce cet homme !» De ce charisme nous parle aussi un homme qui jadis fut un de ses plus fervents ennemis, du fait de leurs positions contradictoires ; cet homme est l’ancien président du parti communiste en Algérie, mais qui par la suite se résigna, et fut gratifié par la guidée divine et abandonna le parti communiste; il dit : «Le cheikh ibn Badis -qu’Allâh éternise son souvenir- était le premier président de ‘’l’Association des Oulémas’’. Il était un sermonneur fascinant, et était aussi modeste que n’importe quel enfant du peuple. Notre réformateur religieux était un guerrier pur et sage. Il n’exigeait pas qu’une étape historique offre plus qu’elle n’en pouvait. Il était le père du Congrès Islamique, où se réalisa l’union de toutes les tendances qui luttaient contre la colonisation…»

Parmi également ses caractéristiques morales : la modestie et l’affabilité. Car c’était un homme qui aimait beaucoup se rapprocher des gens et se porter humblement avec eux. D’entre les exemples qui illustrent sa modestie, se trouve le témoignage de son compagnons Hamza Boukoucha qui a dit : « Toute ma vie, je n’ai jamais pu le devancer par le Salem (salutation islamique) !» Dans une telle constance éthique, notre cheikh illustrait, sans aucun doute, le hadith de notre bien-aimé Prophète -sur lui la prière et le salut- qui dit: «Répandez le salem (salutation islamique) entre vous! »

Ibn Badis était aussi un homme qui affichait son désintérêt total du bas monde. Il refusait de se livrer à la course aux prestiges de cette vie terrestre, malgré les postes importants auxquels il présidait. Bien plus, le haut statut social qu’il occupait, ne l’empêchait pas de se considérer tel n’importe quel musulman du commun. Sa sobriété l’emmenait jusqu’à exiger aux gens qui l’invitaient à manger de ne lui préparer qu’un seul plat !

Plusieurs autres qualités spirituelles enrichissaient la personnalité de cet imam tels que le courage, la libéralité, le sérieux avéré et la bonne gérance de son temps dans toute tâche destinée à faire profiter la Nation et servir sa religion. Dans ce sens, une brillante citation vient de la part de son collègue Mouhammed Khaïrdin : «La vie d’ibn Badis toute entière était une vie de Djihad (combat). Il n’a jamais vécu pour lui-même ni pour personne, mais seulement pour Allâh. Comme il n’a pas aussi laissé de moment à perdre dans des affaires mondaines, d’apparence ostensible, de fonction ou de convoitise. Il a passé tout son temps dans l’enseignement et la formation. En vérité, l’Algérie est redevable au Cheikh ‘Abd el Hamid Ibn Badis dans le domaine de l’éducation et l’enseignement. Car il n’y a eu d’éducation ni d’enseignement que grâce à lui…»

— Son apprentissage et ses études : 

Les premiers cours de l’imam ibn Badis furent dans la mémorisation du Saint Qour’ên, qu’il apprit auprès de son cheikh Mouhammed el Madêci, dont il finalisa la mémorisation à l’âge de 13 ans. Ensuite il apprit les sciences de la langue arabe, du hadith et du Fiqh (jurisprudence) ; et ce, chez son cheikh Hamdên el Wnîssi. Plus tard, après que ce dernier ait quitté l’Algérie pour s’installer à Médine, la ville du Prophète -prière et salut d’Allâh sur lui-, Ibn Badis, lui, s’est dirigé à Tunis en 1327 (1908 G.) et s’est inscrit à l’institut théologique Az-Zeytoûna où il a étudié pendant 3 ans et a obtenu le certificat d’aptitude (at-Tetwî‘).

Pendant cette période, le cheikh ibn Badis a eu l’occasion de faire connaissance avec plusieurs éminents savants de l’époque, auprès desquels il a complété ses études. Ces savants ont exercé une grande influence sur son comportement et son niveau intellectuel. Parmi ces derniers figurent le cheikh Mouhammed An-Nakhli, professeur de l’exégèse du Qour’ên ; le cheikh AtTâher ibn ‘Âchour, professeur de la littérature arabe, et le cheikh el Bachîr Safar, professeur d’histoire. Tout cela en plus de ses documentations et apprentissage personnels qui lui ont permis d’avoir un excellent niveau d’instruction l’ayant aidé à surpasser tous ses condisciples, et d’acquérir une vision du monde islamique et de ce qui se passait dans les pays musulmans.

Il importe ici de signaler que la sagacité d’ibn Badis, son acuité intellectuelle ainsi que son parcours d’adolescent apprenant chez le cheikh el Wnîssi lui ont permis d’écourter son cursus à le mosquée Az-Zeytoûna. En fait, à l’époque, les études dans cet institut se faisaient durant un cycle de 7 ans, mais, tellement qu’il était compétent, l’étudiant ibn Badis a réussi à accéder directement à la 4ème année.

Ensuite, Allâh -Très-Haut soit-Il- lui a accordé la grâce d’aller accomplir le hedjdj en l’an 1331 (1913 G), où il y retrouva son professeur le cheikh Hamdên, et fit également la connaissance avec quelques savants de Médine dont le cheikh Housseyn el Hindi. À cette période, son cheikh Hamdên lui recommanda d’émigrer pour s’installer à Médine. Or le cheikh el Hindi le déconseilla et l’exhorta à retourner en Algérie afin de s’occuper de la prédication, de faire front aux hérésies et leurs adeptes, et de combattre le colonisateur. Aussi, ce fut pendant ce séjour à Médine que le cheikh a connu son ami et bras droit dans la prédication et la réforme, l’érudit Mouhammed el Bachir el Ibrâhîmi, avec qui il a noué une forte relation fraternelle. Ils y ont passé trois mois ensemble et se rencontraient toutes les nuits à partir de l’après-salat d’elIchê’ jusqu’aux premiers moments de l’aube.

Durant ces retrouvailles, les deux cheikhs discutaient de la situation intenable en Algérie, et recherchaient les moyens les plus efficaces afin d’y lancer leur grande entreprise scientifique, de renouveau religieux et d’instruction du peuple, des jeunes notamment, sur des bases islamiques authentiques et solides. Ainsi, ils s’accordèrent sur l’objectif de concentrer leurs efforts pour dispenser un enseignement qualitatif et non quantitatif, dont la finalité sera de restaurer les pratiques, les valeurs et les normes que le colonialisme a ravagées.

Après son séjour au Hedjaz, l’imam voyagea en Syrie, au Liban puis en Egypte où il demeura pendant quelques temps et connut certains savants égyptiens, tels que le cheikh Mouhammed el Motî‘i, Mouhammed ‘Abdou et Rachid Réda. Sa rencontre avec le premier déboucha sur une licence scientifique [idjêzailmiyya], qu’il lui décerna suite à sa lecture d’un courrier remis par Ibn Badis de la part de son cheikh Hamdên el Wnîssi.

— Les grandes œuvres d’ibn Badis :

 En réalité, énormes et très nombreuses sont les entreprises réalisées par l’imam ibn Badis -qu’Allâh lui accorde Sa miséricorde-. Celles-ci ont touché à tous les plans : religieux, social, culturel, économique et politique. Mais, tous ses travaux se sont cristallisés et répandus dans le cadre de  l’Association des Oulémas Musulmans Algériens, qu’il fonda en 1931, avec le concours de ses collègues et à leur tête l’imam Mouhammed el Bachir el Ibrâhîmi. Quoique le début de son activité dans le domaine religieux remonte à des années bien avant son retour en Algérie, en 1913, précisément, avec des cours qu’il dispensait à Constantine, dans la mosquée « el Djêmi‘ el Akhdar ».

Citant « l’Association des Oulémas », le cheikh el Ibrâhîmi décrit, quinze ans après sa création, les lourdes responsabilités dont elle se chargeait d’accomplir par ces termes : «…jusqu’à ce que l’Association des Oulémas Musulmans Algériens ait été créée depuis quinze années. Une création naturelle comme si elle était une conséquence inévitable de la situation qui régnait. Elle a ainsi œuvré pour la réforme de l’islam entre les musulmans, et pour la revendication de ses droits usurpés ainsi que la liberté de sa langue spoliée ; ce qui a fait entendre au colonisateur, et pour la première fois de sa vie dans ce pays, une nouvelle euphonie à laquelle ses oreilles ne se sont pas habituées. L’Association a appelé à la vérité avec force, et réclamé justice avec logique. Le colonisateur a donc senti le retour de la vie (à ce peuple) et sa prise de conscience islamique. Néanmoins, il n’a pas considéré cela comme étant un droit naturel et raisonnable !»

Cela étant dit, les divers et variés travaux effectués par ibn Badis pourraient être sommairement énumérés comme suit :

  1. L’enseignement et l’éducation, par lesquels il affronta inlassablement les projets coloniaux de francisation des Algériens par le biais des études.
  2. Les voyages et les déplacements instructifs à travers les quatre coins du pays.
  3. La presse dans laquelle il mit en action à grande échelle le programme de sa réforme sous la forme d’articles et de séries d’écrits touchant à des sujets divers et variés.
  4. La naturalisation. Le cheikh a combattu par les moyens qu’il avait en sa possession et puisant des sources de l’islam la politique d’intégration à laquelle s’est livrée la France coloniale, dont l’octroi de la nationalité française représentait une de ses démarches de premier plan. L’illicéité d’une telle naturalisation était établie religieusement et largement répandue au sein du peuple.
  5. La construction de mosquées dans les différentes villes algériennes.
  6. L’ouverture de plusieurs annexes et bureaux dépendants de l’Association des Oulémas.
  7. La construction et l’ouverture d’écoles libres édifiées sur les fondements de l’islam; de même que des clubs scientifiques dans plusieurs régions du pays.
  8. Une production livresque dont figurent quelques titres sur des thèmes variés tels que : l’exégèse, l’explication des hadiths, la croyance, les fondements du Fiqh

L’Association des Oulémas Musulmans Algériens :

On ne saurait prétendre parler d’Ibn Badis sans faire mention de l’Association des Oulémas Musulmans Algériens. Dans le but de rappeler une des immenses tâches de cette association, nous citerons ci-après le travail colossal mené par Ibn Badis et ses collègues dans le domaine de l’enseignement/apprentissage. Par ailleurs, un tel rappel permettra d’une part d’instruire nos enfants et les générations montantes sur ce qu’était la France pour l’Algérie, et de rappeler d’autre part aux Algériens qui s’engouent pour la France et veulent à tout prix nous imposer son modèle comment les Français se comportaient avec les Algériens concernant l’enseignement.

L’action de l’Association dans l’enseignement/apprentissage :

 L’Association des Oulémas a en effet eu pour objectif la préservation de l’identité nationale du peuple algérien, dont les trois composantes étaient l’islam, l’arabité et le nationalisme algérien. Rappelons que ces trois constantes étaient même véhiculées par le slogan de l’Association qui  est «L’Algérie est notre pays, l’islam est notre religion et l’arabe est notre langue. » zaq

La culture islamique et l’identité linguistique et religieuse des Algériens étaient les prérogatives d’Ibn Badis et de l’Association à laquelle il présidait. Dans toute l’histoire de l’Algérie, ces constantes nationales n’ont jamais été aussi défendues. L’occupation française, avec à son actif toute la machine de guerre enclenchée contre ce patrimoine, tel que cela a été élucidé plus haut, était à l’origine des efforts de l’Association déployés dans ce sens.

Pour atteindre un tel but, grandement honorable, les hommes de la Réforme, dans l’Association des Oulémas, ont opté pour la promotion à très grande échelle de l’enseignement/apprentissage arabe et islamique. Les écoles qui étaient alors sous l’égide de l’Association s’étaient répandues dans les différentes régions d’Algérie, voire l’action de l’Association dans ce domaine a atteint même les travailleurs algériens émigrant en France.

Jusqu’en 1954 (année de déclenchement de la guerre d’Algérie), on comptait 150 écoles appartenant à l’Association, fréquentées par plus de 50000 enfants.  Ils y apprenaient les bases de la langue arabe, les fondements de la religion musulmane et l’histoire islamique d’Algérie, selon un programme homogène rassemblant les éléments indispensables du savoir, et les principes de base positifs, fondant une éducation islamique qui nourrit le sentiment d’appartenance à l’islam et à la Nation musulmane, et débouchant sur la prise de conscience pour les défendre et les préserver.

— Brève comparaison entre l’activité de l’Association et de la France coloniale dans le domaine de l’enseignement :

L’Association des Oulémas, dans son action éducatrice, est en fait parvenue à répandre le savoir dans plus ou moins toute l’Algérie, de sorte à nous interroger sur la réalité de l’action française dans ce domaine, face à l’entreprise monumentale de l’Association.

En effet, après 100 années d’occupation française, la France coloniale, dans l’ensemble de son œuvre pour enseigner les Algériens, ses efforts se limitaient à la réalisation de ce qui suit:

– La création de 3 écoles islamiques, afin de dispenser l’enseignement de la langue arabe et la charia, seulement pour les garçons, et dont le nombre annuel des élèves ne dépassait pas 500 individus. C’est-à-dire, cela donnera en termes de calcul chiffré: 1 élève pour 10000 garçons de la population algérienne.

– Quant aux maîtres recrus par la France coloniale pour enseigner dans les mosquées, ils se limitaient au nombre de 35, chacun se chargeant d’une mosquée dans seulement 33 villes! Leur fonction se bornait strictement à former les jeunes en leur inculquant les éléments de la langue arabe, afin de pouvoir par la suite rejoindre une des 3 écoles citées précédemment.

– Par contre, les écoles étatiques fondées pour enseigner les enfants et les jeunes algériens, celles-ci, jusqu’en 1930, étaient au nombre de 652 écoles, réparties dans tout le territoire national, et fréquentée par environ 30000 élèves mixtes qui y suivaient des études profanes, dépourvues de toute matière faisant référence à l’islam et à la langue arabe.

– Si, ainsi, nous tentons de faire un calcul estimatoire de l’ensemble des élèves inscrits à l’enseignement, nous en aurons ce qui suit:

  • Prenons comme base qu’en 1930, les enfants ayant atteint l’âge de l’enseignement représentaient le septième de la population algérienne, dont celle-ci même fût constituée de 6 millions individus, ceci nous donnera environ le nombre de 670000 élèves répartis ainsi:
  • 500 enfants apprenaient la langue arabe et la religion musulmane dans les trois écoles islamiques, contre 30000 élèves apprenant la langue française dans les écoles étatiques. Naturellement, cela conclura que seulement 30500 enfants avaient accès à l’enseignement! alors que 639500 enfants étaient littéralement mis à l’écart, privés de toute forme d’étude venant de la part de l’État à l’époque, la France coloniale . Un chiffre insignifiant (30500) en comparaison avec l’ensemble de l’enfance algérienne (en 1930) qui frôlait les 670000 garçons et filles à l’âge de l’école, dont seulement environ 4%! avait droit à lire et écrire, et cela, rappelons-le, après bien un siècle (100 ans) de colonisation d’un peuple qui, avant ces 100 ans de feu et de fer, était ce que l’Histoire sait et dit.

Par ailleurs, ceci nous renseigne de toute évidence sur l’opacité de l’illettrisme des Algériens que l’Algérie indépendante a eu le soin de combattre depuis l’indépendance en 1962.

Ainsi, si l’on prenait le joli et brillant slogan venant d’une certaine « élite » disant que la langue française en Algérie est un butin de guerre, que dire alors, et par ricochet, de ces couches opaques d’illettrisme dans la société algérienne léguée par la France coloniale?!

L’Association des Oulémas quant à elle, elle est parvenue en moins d’un quart de siècle (- de 25 ans), et malgré ses moyens très modestes, à faire que ses écoles assurent l’enseignement et l’éducation à environ 50000 élèves, entre garçons et filles des enfants du peuple algérien, et aussi de fonder plus de 150 écoles, avec également un très grand nombre de clubs culturels et de mosquées libres dans tout le territoire national. Ceci, notons-le, en dépit des pressions et des provocations incessantes de la France, latentes et apparentes, dont le but se ramenait sans cesse à ralentir si ce n’est détruire l’action éducatrice et enseignante de l’Association.

En effet, faisant front à l’activité d’enseignement et d’instruction menée par l’Imam Ibn Badis avec son Association, la France coloniale ne se gênait jamais de combattre les écoles et clubs, en ayant recours parfois à leur fermeture et parfois à l’emprisonnement des enseignants et des directeurs, en brandissant comme pièce de conviction justifiant ces agissements des accusations fomentées de toutes pièces. L’objectif principal de cet acharnement était en fait de réprimer l’expansion de l’enseignement arabe entre les enfants du peuple, et de le réduire aux plus restreints espaces possibles, et puis également à affaiblir le pouvoir culturel, spirituel et intellectuel engendré par l’activité grandiose de l’Association au sein du peuple algérien.

En fin de compte, tel qu’avait dit un politicien algérien de l’époque, les Français colonisateurs de l’Algérie : « ne nous ont pas appris leur langue et ne nous ont en même temps pas laissé la liberté d’apprendre la nôtre! »

— La croyance de l’imam Ibn Badis :

L’imam Ibn Badis -qu’Allâh lui fasse miséricorde- était un érudit Salafi. Il s’attachait fermement à la pratique du Noble Qour’ên et de la Sounna authentique, tout en suivant la compréhension des pieux prédécesseurs [Es-Sèlèf AsSâlih] pour ces deux sources. Lui-même revendiquait à maintes reprises cette voie religieuse. Ses écrits et cours laissent voir très clairement cette propension pour la méthode des pieux prédécesseurs dans la mise en œuvre de l’islam. De même, beaucoup d’auteurs ayant écrit sur Ibn Badis, ont stipulé cela de façon à ne laisser aucune marge de contestation à ceux qui se refusent d’admettre son appartenance à la Salafiyya.

Notre argumentaire, ici, pour établir l’adoption factuelle de l’Imam ‘Abd El Hamîd Ibn Badis de la voie salafie se constituera de deux brillantes citations. La première est illustrée par sa recommandation à ses lecteurs de suivre la voie des Salafs (pieux prédécesseurs). Quant à la seconde, elle est exprimée au nom de l’Association des Oulémas qu’il présidait. Elle fonde l’ensemble des principes de base gérant l’activité des prédicateurs de la réforme (dou’êt el ish) au sein de l’Association. Ce qui montre nettement la référence dogmatique de l’Imam, ainsi que de l’ensemble des membre de l’Association dont les quatre les plus influents, à savoir: El Ibrâhîmî, El ‘Ouqbî, El Mîlî, et Attebessi.

Cela étant dit, voyons maintenant ce que stipulent les deux citations:

La première: Elle est retranchée du livre du cheikh Ibn Badis intitulé Riçêlatou djawêbi sou’êlin ‘èn soû’i maqêlin (Épître pour répondre à une question sur certains mauvais propos), il dit : « Sachez -qu’Allâh fasse que vous soyez du nombre des bons connaisseurs ; qu’Il vous accorde le plaisir de discerner les choses et de les comprendre ; qu’Il vous embellisse avec la noblesse du suivi (du Prophète -sur lui le Salut-) et vous épargne l’avilissement de l’hérésie- que : partout et à chaque époque, il incombe à chaque musulman d’avoir, au fond du cœur, une croyance apaisante. Il l’évoquera constamment avec la langue, et construira toutes ses œuvres sur elle. Celle-ci consiste à considérer que : la religion d’Allâh –Très-Haut soit-Il- et ce qu’elle renferme parmi les thèmes (articles) de la foi, les piliers de l’islam et les voies de l’excellence, n’est, en vérité, que dans le Qour’ên, la Sounna authentique et la pratique des pieux prédécesseurs. C’est-à-dire : les Compagnons, les successeurs et leurs suiveurs… 

La seconde: Tel qu’il est mentionné plus haut, et encore une fois, dans cette citation, il est question d’énumérer les fondements avec lesquels fonctionnait l’Imam Ibn Badis, et, avec lui, l’ensemble de l’effectif de l’Association des Oulémas. Ces fondements étaient prononcés par l’Imam, Président de l’Association, lors de sa création. Les frères et sœurs lecteurs et lectrices sont vivement invités à les méditer :

« ― Le Qour’ên est le Livre de l’islam.

La Sounna authentique orale et pratiquée [qawliyya et fi’liyya] est l’explication et la démonstration du Qour’ên.

Le comportement (la conduite) des pieux prédécesseurs [As-Sèlèf AsSâlih] est une application correcte (authentique) de la conduite musulmane.

De toutes les compréhensions des vérités de l’islam et des textes du Livre et de la Sounna, celle des imams des pieux prédécesseurs est la plus véridique.

L’hérésie (la bid’a) c’est tout acte innové, considéré comme adoration et rapprochement (par lequel on s’approche d’Allâh) et dont la pratique n’est pas attestée par le Prophète –prière e salut sur lui- Et, toute hérésie est égarement. »

Enfin, je laisse le soin de tirer les bons fruits de ces deux insignes citations à nos chers lecteurs et lectrices.

— Sa mort et son enterrement :

Le cheikh ‘Abd El Hamid Ibn Badis, décéda, après une vie bénie, nonobstant qu’elle était assez courte, pleine de glorieuses œuvres, dans la nuit du mardi 8 Rabî‘ el Awwel 1359 G., correspondant au 16 avril 1940. Il fut enterré dans la prairie de sa famille, à la cité des Martyres, près du cimetière de Constantine.

Puisse Allâh -Le Très-Haut- lui attribuer une vaste et grande miséricorde, et qu’Il vienne en aide aux musulmans pour suivre les traces de leurs hommes de science, de piété et de réforme, êmîn !

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