La rentrée : Entre Islamophobie et Génocide, Révolution ou recommencement ? || Edito d’Elias d’Imzalène

La rentrée : Entre Islamophobie et Génocide, Révolution ou recommencement ? ||Édito d’Elias d’Imzalène

C’est la rentrée et dans un grand mouvement toutes les composantes françaises reprennent leurs places et leur fonctionnement. De l’ouvrier aux élites, à chacun sa place et son rôle invariable. Le meilleur des mondes efface doucement les derniers rêves et souvent les derniers espoirs.

Pour la communauté musulmane il existe également un éternel recommencement mais toujours en pire. Et à peine les « koul ram antoum bi kheir » de l’Aïd prononcés, le bruit des cartables s’est fait entendre sur un fond de rue hostile, de médias sonores stridents et d’impression que rien ne change si ce n’est en pire.

Le cas de cette famille musulmane de Paris que je connais est symptomatique.

Pour l’arrière grand père défunt le travail a été fait : il a lutté pour sa liberté, a du quitter son village rasé par les bombes françaises et a ouvert le champ des possibles à ses enfants en s’établissant chez ses bourreaux à Paris. Pour ses enfants, le grand père lui, a rêvé d’instruction supérieure pour sortir d’un monde capitaliste d’asservissement où ses muscles d’ouvrier forts mais maintenant usés voire brisés, ont fait la richesse des patrons. Son fils rêvait lui de plus de sens pour sa fille, d’un monde où le matériel n’était pas le tout … C’est donc cette jeune fille muslima, 4ème génération en France, qui a eu son baccalauréat avec quelques années d’avance. Après cette joie éphémère elle a eu la tâche difficile d’annoncer à son grand père qu’aucune Faculté n’avait répondu favorablement à son inscription et que son hijab, sa personne était non grata en prépa ou en école cause of islamophobie … Un bilan : 70 ans de sacrifice pour rien. Juste une vie de musulman en France.

En plus de la barrière raciale, de la barrière sociale, un nouveau rempart s’est dressé devant le muslim, devant la muslima. Ils sont le fruit d’une politique d’état islamophobe, d’élites qui ont juré la perte de toute une communauté. Et le drame réside dans le fait que cette communauté ne le sache pas vraiment …

Et pourtant la communauté garde en cette rentrée les stigmates de la punition collective qui lui a été infligé pendant l’état d’urgence. Elle se souvient des portes brisées et des femmes jetées à terre par la police, des menaces et des accusations, de l’arbitraire qui fait mal. Tous les matins le père regarde sa porte avec inquiétude … Quand se brisera-t-elle, avec quelle violence, les hommes en noir ressurgiront-ils pour une phrase, un comportement suspicieux de trop ? Et c’est le silence de la honte face à un viol auquel la société française a assisté en applaudissant. Vichy, la colonisation, ne sont que des mots, ils raisonnent mais à force d’être répétés alors même que le crime se reperpétue en direct comme une tradition, ils perdent de leur sens, de leur force. Comme dans un monde vide, aphone. Car ce n’est pas seulement une porte HLM qui s’est cassée chez ces familles muslims perquisitionnées c’est la perte des dernières illusions dans le mirage français, en son droit, en ses valeurs, en ses prétentions de civilisation, en son futur, en fait en la France elle-même qui est partie en miettes avec la porte. Et dans combien de quartiers partout en France, les muslims ont pu voir leurs maisons et leurs mosquées saccagées …

C’est la rentrée 2017 et l’état français peaufine un non droit pour la communauté musulmane sur mesure. Bigeard en a rêvé, les enfants de Mitterand l’ont fait. La répression anti-musulmane est désormais légalisée. On ne parle pas d’Islam ou de musulman mais de lutte contre le terrorisme ou le radicalisme, de laïcité mais tout le monde sait de qui on parle. On cassera donc encore cette année des portes sur dénonciation pour une visibilité musulmane trop prononcée. On continuera de plus belle l’inquisition dans les écoles à qui se met à faire le Ramadan ou qui se voile sous couvert de protection de l’enfant. Je suis Charlie ou la mort : Le dilemme français. La communauté encaisse et redoute, elle souffre mais ne réagit pas tétanisée comme une bête vouée au sacrifice.

D’ailleurs, pour cette rentrée 2017, le la est donné. Les médias ont tout fait pour promotionner le livre d’un directeur d’école marseillais islamophobe qui nous explique sur tous les plateaux que c’est bien l’établissement de la charia dominante que l’on doit combattre au jour le jour dans nos collèges ou nos lycées en proie à l’islamisation forcée … Et comme la jeune fille en hijab à son époque c’est désormais toute la jeunesse musulmane qui est déshumanisée pour être vouée à l’hallali permanente. Son identité, sa culture, sa religion sont coupables, désignées en danger.

C’est la rentrée et la communauté apprend stupéfaite que ses enfants sont donc l’ennemi national à abattre. On dira donc à son enfant d’être discret pour ne pas être fiché. Le gamin muslim fait son premier pas dans la clandestinité… La faute à qui ? Quelles répercussions ? Tout cela on s’en fiche en haut et pour la communauté musulmane en bas comme un air de no futur

Mais la communauté musulmane se tait, c’est son CFCM et son imam qui lui a dit. Le premier par collaboration active à l’asservissement de cette communauté, le deuxième par collaboration, par lâcheté ou au mieux par peur.

Le muslim a compris que cette rentrée est un recommencement du pire en pire. Il sait que son inaction, son dos courbé face aux coups ne résolvent rien et qu’à la mosquée comme à la mairie on lui a menti. Le bourreau est d’autant plus violent que la bête accepte les tortures sans se rebiffer. Et à quoi bon patienter si c’est pour que demain son enfant vive la même en pire ? Il réfléchit alors à des solutions, à un échappatoire, pour le plus lucide à une organisation … à une révolte ? Et il trouve invariablement un proche « raisonnable » avec sur sa face la marque profonde de la lâcheté assumée pour lui rappeler que demain matin sa porte pourrait bien craquer s’il continue. On appelle ça l’état de droit, on appelle ça un ami. Nous sommes en France en 2017.

La politique islamophobe d’état menée en France continue donc. Chaque liberté fondamentale est brisée, le droit à la différence devient un crime et un droit d’exception se met en place officiellement dans le but de briser cette communauté dans son essence, dans son être, dans ses libertés au nom du mêmisme français, ce nouveau totalitarisme qui ne dit pas son nom. Chaque initiative d’émancipation de la communauté est brisée comme ils brisent les portes, on la veut soumise et coupable comme une Rohingya.

C’est la rentrée et quand le muslim apprend aux informations que le gouvernement français apporte « tout son soutien » à la Birmanie alors que celle-ci génocide sa minorité musulmane, il s’arrête pour avaler sa salive.

C’est la rentrée et on parle enfin dans les médias mainstream, même si c’est doucement, du génocide de la minorité musulmane de Birmanie : les Rohingyas. Bien sûr on met des guillemets quand on écrit les mots génocides ou nettoyage ethnique. Car pour nos élites françaises comme pour nos médias, les musulmans sont toujours coupables et ne sauraient prendre le rôle de la victime dans leur film, leur roman national. Alors on évoque avec une pudeur toute islamophobe ces « massacres » improbables de civils musulmans par des bouddhistes pourtant amis et adulés dans les beaux quartiers parisiens. Mais on oublie pas de souligner que récemment il y a eu une attaque rebelle, qu’il y a conflit et on renvoie ainsi dos à dos le bourreau et les victimes dans un combat imaginaire inégale pour masquer sa lâcheté ou très souvent sa complicité tacite. Silence on tue du muslim ! Dans les salons parisiens lettrés dans les rédactions comme dans les cafés, la réflexion est la même ..

« – Oui toujours victimes, à se plaindre ! Et les attentats à Nice et à Barcelone c’était qui !? Je dis pas que c’est bien mérité mais … »

Mais quoi ? Mais quoi d’autre alors dans leur bouche que ce reniement permanent des stigmatisations, des agressions, de l’islamophobie, des massacres et la justifications de leurs apartheids, de leurs guerres libératrices et de leurs bombes …

La communauté musulmane en France s’émeut comme un corps qui souffre face à ce génocide silencieux. Elle a vu les images, elle, sur les réseaux sociaux, sur ses sites communautaires tenus par les siens. Elles sont insoutenables … Elle en pleure littéralement l’espace d’un post Facebook.

Le muslim pense à aider mais devine que l’humanitaire ne suffira pas. On arrête pas des balles avec des sacs de riz. Une manifestation devant chaque ambassade birmane ? C’est le minimum et il le sait. Mais il sait aussi que cette manifestation de soutien lui vaudra au minima un fichage S et au pire, en cas d’attentat en France, une place assurée dans un Guantánamo français dont les élites françaises ne rêvent plus en silence. Son avis oscille entre témérité et lâcheté, il ne sait plus. Ses élites directives, fédératrices, organisatrices à lui n’ont pas démissionner, non, elles n’existent pas. Il les cherche en vain et comprend qu’il devra les créer de ses mains … La belle histoire.

Les Rohingyas sont seuls et ils se meurent en cette rentrée 2017 sans que rien ne se passe … Le muslim à qui on a fait apprendre dans les livres de la république « Plus jamais çà » constate qu’on lui a encore menti, que c’était pour les autres ça, que ça ne vaut que pour eux. Il hésite encore à agir mais devine de façon confuse que son inaction perpétuelle lui coûtera cher. Maintenant qu’en muslim on le traite comme on a traité la « jeune fille voilée de France » dans le passé de qui il s’était désolidarisé, il se demande secrètement si ce destin Rohingya et sa lâcheté éternelle ne sont pas quelque part son destin …  Mais il le sait parfaitement, quand les Rohingyas auront enfin décider de survivre en prenant les armes, ils seront invariablement désignés comme terroristes et lui comme complice. Il sait aussi que les imams crieront alors du haut de leur minaret de paille « Not in My Name » et pleureront de chaudes larmes afin de sauver leurs papiers de résidence et leurs petits passe-droits. Il restera alors seul face à la bête. Il se rappelle de l’Irak, il se rappelle de la Syrie, il a appris à se taire …

En cette rentrée 2017, le muslim vit son éternelle vie d’hésitations face à la persécution. Jusqu’à quand ?

En cette rentrée 2017 le sujet de la « libération de l’Irak et de la Syrie » est un sujet interdit pour le muslim en France. Il craint pour sa porte et il n’en parlera donc pas, pas même ici.

Il ne parlera donc pas des massacres de civils, de la coalition à Moussoul qui ont fait des dizaines de milliers morts dans le plus grand silence médiatique français. Il ne dira pas qu’à Raqqa, on recommence la même en grand en détruisant sous un tapis de bombes toute vie humaine. Le terroriste c’est toujours l’autre ! Et pour ses enfants et ses femmes broyés sous les bombes des F15 et des Mirages de la coalition occidentale appuyée au sol par les kurdes marxistes et les troupes chiites et financée par l’argent de l’Arabie Saoudite, on se taira. On ne dira rien. Il ne dira pas non plus que l’Amérique colonise l’Irak avec l’aide de l’Iran depuis maintenant presque 30 ans en décimant sa population sunnite. L’empire sassanides chiite peut donc se reformer sur les corps décomposés des populations sunnites avec l’appui de l’occident, éternel libérateur, et du régime des Saoud éternels pharisiens dans le silence de la condamnation du Christ.

Le muslim n’en parlera pas car c’est interdit et que nos imams de la république nous ont demandé de respecter les lois de « notre » pays … Amen.

C’est la rentrée 2017 et plutôt que l’éternel recommencement en pire, le muslim préférait penser en grand et sortir de ses ornières.

Il sait que les mobilisations pour chaque assassinat de l’un des nôtres par la police sont légitimes mais que ces « bavures » ne sont rendues possibles que par une situation politique, un état de fait : l’asservissement de sa communauté. C’est donc la maladie qu’il faut traiter et pas seulement ses symptômes.

Au No futur français, au désengagement de l’état français providence dans les quartiers, à la stigmatisation et à la ségrégation et l’isolement, le muslim songe pourtant à des solutions. Éternel exclu, il sait que la solution ne pourra être que communautaire, avec les siens pour les siens. Il sait parfaitement que l’autre ne viendra pas le sauver mais qu’au mieux il l’ignore dans sa souffrance et qu’au pire il en est l’instigateur ou le complice silencieux et hypocrite. Il en a l’expérience depuis la naissance et les faits sont têtus, ils sont indéniables.

C’est dans la solidarité de souffrance qu’il a trouvé ses premiers alliés, eux aussi, enfin sortis de la tétanie paralysante. Il sait que ce réveil a été difficile comme une nouvelle naissance sur un champ de bataille et que la construction du lendemain le sera plus encore. Il pense à cette réalisation communautaire qui organiserait les siens et ne les laisserait plus en proie aux coups des autres.

« S’organiser » car la muslima comme le muslim devine qu’un corps décérébré n’agit qu’en réaction, que par saccades commandées par les nerfs mais sans but en vain. Le muslim, la muslima pensent organisation des siens localement puis fédération. Fédération des buts : l’émancipation, fédérations des moyens : toute l’énergie vitale d’une communauté.

Il sait que sa communauté souffre et que ce mal a touché son être, son âme. Elle est abîmée profondément. C’est par une nouvelle solidarité active, une reculturation profonde, un Islam de vision post-moderne, une coopérative de réseaux multidimensionnels que le muslim fera maintenant face à l’entreprise de « nihilisation » de sa communauté. Et alors seulement il pourra produire une réponse suivie, une réponse commune, une réponse intelligente et efficace au défi qu’on lui oppose.

A tout un commencement. A l’instar du socialiste qui sait que la « conscience de classe » est le préalable à tout combat social, le muslim s’efforce de faire naître cette « conscience communautaire muslim » préalable à toute émancipation des siens. Il ne se soucie point des blâmes et des blâmeurs. Il rejette à leur face les accusations de communautarisme à ceux même qui ont tout fait pour l’exclure depuis le premier jour enfermé dans leur tour d’ivoire. Il exècre les reproches de son faux frère complexé, toujours à même à réciter les leçons de son maître qui le domine.

Le muslim fait sa rentrée et sait qu’il sera difficile de tout changer … mais il le fait, il construit, il révolutionne et n’attend de récompense que de son Seigneur.

Et il se répète doucement : « Je ne serai pas un Rohingya, je ne serai pas un Rohingya, …. »

– Elias d’Imzalène est cofondateur d’Islam&Info et participe désormais à la rédaction d’articles –

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