Alep : la défaite des vainqueurs ! | Carnet de bord du Dr Zouhair LAHNA

 Les informations, images et appels qui nous viennent d’Alep sont écœurants et ahurissants. Il ne reste plus de bâtiments intacts, les femmes, hommes et enfants essaient de fuir leurs quartiers en emportant ce qu’ils peuvent. Certains ont été rattrapés par le déluge de feu et ont succombé sur leur chemin vers l’inconnu.

Ceux qui ont pu atteindre le versant ouest aux mains des soldats du régime et des milices racontent l’arbitraire des séparations, des interrogatoires et des arrestations avec leurs lots de torture qui ne sont plus un secret.

Cette offensive est à priori acceptée par les dirigeants des nations dites civilisées et par les Nations-Unies, les pertes humaines ne sont que des dégâts collatéraux. Le but souhaité est d’exterminer tous les résistants et récalcitrants et tous les combattants étrangers venus prêter main forte à cette ‘’révolution’’.

Je me suis toujours posé des questions sur le primum movens des manifestations dites du printemps arabe, ça n’a pas été préparé par une élite, alors l’élite n’est pas au rendez vous. Des jeunes personnes qui maniaient bien les nouveaux moyens de communication ont lancé une page facebook appelant à manifester pour le 15 Mars 2011 et les choses se sont emballées, les ingrédients étaient présents depuis des décennies à coups d’exactions et d’arbitraires que le peuple subissait en silence et Il a fallu l’étincelle de la Tunisie. Ce qui a poussé les gens à sortir pacifiquement dans les rues boostés par la ‘’réussite’’ des modèles tunisien et surtout égyptien. Mais c’était sans compter sur la violence des généraux et la stupidité politique de Bachar Al Assad et ses conseillers. Les manifestations se sont transformées en insurrection. Et depuis c’est la fuite en avant avec demande de l’aide d’une part et d’autre et l’entrée en scène de la Turquie, des pays du golfe et leurs soutiens d’une part et de l’Iran et la Russie d’autre part.

La Syrie est devenue ainsi un terrain de guerre mondiale par procuration et celui qui paie le prix est le peuple syrien. Soit en immigrant en masse ou en subissant les affres d’une guerre de dissémination. Beaucoup de personnes se demandent comment on a pu laisser faire cela ? Où sont passés les peuples occidentaux friands des droits de l’homme et des libertés ? Où sont passés le peuple arabe et encore plus la communauté musulmane ? Tout le monde regarde la tragédie et laisse faire.

Je ne souhaite pas parler des dirigeants parce que pour eux l’affaire est pliée. Pour casser le soutien aux combattants syriens, il a fallu l’apparition du Front Nosra et surtout son allégeance à Al Quaeda et pire encore l’ascension fulgurante et menaçante de Daech pour tuer toute autre initiative en faveur de ce peuple.

D’autre part le Syrie pour les has-been anti-impérialistes est considérée à coup de grande phraséologie et de propagande comme un rempart contre les impérialistes et Israël. Alors, son soutien devient légitime face à une horde de sauvages islamistes qui finiront par livrer le pays et le gazoduc qui va avec à l’oncle Sam. Et même si le fait est que Bachar Al Assad a refusé le deal du gazoduc avec la France et le Qatar au profit d’un autre avec la Russie, a-t-il le droit de massacrer ainsi son peuple et détruire son propre pays ? et tout ceci porte quel nom ? celui de combattre le terrorisme… le concept du moment.

Les arabes et musulmans qui soutiennent Bachar Al Assad et considèrent Poutine comme un rempart contre l’Occident et le sionisme devraient méditer ce qu’à fait le Tsar devant les troupes de Napoléon, il n’a pas sacrifié sa ville et ses habitants, mais les lui a laissé pour les reprendre plus tard. Ceci s’appelle l’art de la guerre. Mais la destruction et la politique de la terre brûlée avec le but affiché de transformation des habitants des grandes villes par les chiites est une catastrophe pour les décennies à venir.

Le massacre de la Syrie en général et d’Alep en particulier laissera un goût amer et une envie démesurée de vengeance chez les générations à venir. Parce que l’histoire nous a enseigné que les opprimés finissent toujours par gagner…

On est entré dans un conflit confessionnel sans le vouloir bien sûr, mais on a laissé faire par le silence complice et l’anti impérialisme stupide, comme si la Russie et la chine ne faisaient pas dans l’impérialisme ! Les missiles envoyés et les balles tirées ne vont pas arrêter leurs trajectoires en Syrie. Ainsi que les souffrances des familles et les cris d’enfants, ce n’est pas une exclusivité syrienne. Et quand on ne comprends plus rien à la géopolitique, il suffit d’être du côté des opprimés.

L’injustice reste une injustice et celui qui la pratique ou la cautionne finit un jour par la subir. L’histoire est là pour nous le rappeler !

Zouhair LAHNA
Médecin humanitaire 

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