« Je suis un EMBRYON » – Plaidoyer de Zouhair Lahna pour le droit à la vie

Si un embryon est par nature très faible puisqu’il dépend du corps, des hormones et surtout de l’amour de sa mère, moi je suis encore plus faible. Je suis l’embryon que sa maman n’aime pas, dont elle veut se débarrasser, celui qui s’est invité dans son utérus sans qu’elle ne le souhaite. Je suis ce qu’on appelle une « grossesse non désirée ». 

Mais je suis là vivant, vivant depuis ma première cellule qui a résulté de la rencontre entre le spermatozoïde qui a traversé le col de l’utérus, le corps de ce dernier, le spermatozoïde qui ne s’est pas trompé de trompe, qui a glissé entre ses cils, celui qui a été le plus rapide et le plus performant pour arriver à temps à la rencontre de l’ovule de ma mère et ensuite réussi à réaliser une brèche dans la membrane et la pénétrer. Après cet instant, l’œuf est formé et je suis l’œuf fécondé.

Une cellule qui respire et qui contient le patrimoine de ce que je vais devenir. Fille ou garçon, grand ou petit, ma beauté, la couleur de ma peau, celle de mes yeux, la texture de mes cheveux et tant d’autres subtilités qui caractérisent ceux qui auront la chance d’arriver au terme de ce parcours féerique qu’on nome la grossesse. 

Moi, l’embryon maudit, ma mère ne me veut pas, je lui porte la honte, elle n’a pas été prête à m’accueillir. Ma mère a fait confiance au porteur du spermatozoïde ou elle a seulement oublié la pilule avec un géniteur dit légal. Je suis encore plus fragile et moins désirable si ma mère s’est fait abusée et agressée sexuellement ou si le spermatozoïde émane de quelqu’un de sa famille. 

Je deviens l’être vivant le plus détesté de ma mère, de la société et du géniteur. Et tout le monde commence à me décrire comme dangereux malgré ma faiblesse et ma taille minuscule. J’entends alors de belles personnes défendre le droit à la liberté de ma mère mais ils oublient mon droit à l’existence. Des personnes de bonne foi réclament le droit à la vie et la dignité de ma mère abusée, mais ils n’ont aucune considération pour la mienne. A leurs yeux, je ne suis qu’un fardeau dont il faut se débarrasser. Mais quelles sont donc ces valeurs sélectives qui s’attaquent au plus faible ?

Pour se débarrasser de moi en toute quiétude, il fallait bien me retirer certaines facultés présentes ou à devenir, bien que je suis le fruit de l’humanité et souvent celui de ce qu’ils appellent l’amour. Drôle d’amour qui sublime la jouissance mais autorise l’élimination de son fruit sans hésitation. D’autres me dit-on plus sensés parce qu’ils connaissent a priori la religion, me donnent cette qualité de vie à devenir mais se permettent de prêcher mon élimination prétextant que je n’ai ni âme ni esprit. Mais qui s’est qui les a mis dans la confidence ? 

Et quand bien même je n’en ai pas à un instant t, j’en aurai tout comme vous. De quel droit vous me retirez une faculté que vous avez, sachant que de toute façon vous étiez tous comme moi, et tous vous n’étiez rien avant de devenir une cellule et ainsi de suite. Et qu’un jour, vous redeviendrez rien.

C’est bien connu, quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage, comme ça le tueur ne sera pas réprimandé mais remercié parce qu’il a sauvé les autres de la maladie. Mais moi, l’embryon non désiré, je suis aussi votre ancêtre, votre petit je ne suis pas dangereux, pourquoi vous ne voulez pas que je naisse. Nouveau-né, je suis également fragile et j’ai besoin de votre soutien et de votre amour afin que je pousse un peu, plus tard je ne serai qu’un produit de la société qui m’a vu naître. Et si les grands de cette société ont jugé que ma mère est fragile, alors aidez-la ! si elle n’est pas capable de s’occuper de moi, placez-moi dans une famille d’accueil qui possède de l’amour mais pas ou peu d’enfants. Mais ne m’éliminez pas de la sorte à cause de ma faiblesse parce que vous êtes en train de vous éliminer vous-même. 

Et ceux qui jugent que les enfants à naître de ce qu’on appelle les mères célibataires ne seront qu’un fardeau pour leur mère et qu’ensuite un avenir maussade les attend s’ils ne deviennent pas de dangereux délinquants, je leur dis que si  cet esprit sélectif et eugénique devrait s’appliquer à tous, une bonne partie de ceux qui sont en prison et encore moins ceux qui vivent dans les quartiers semi urbains devraient subir le même sort que moi. Sur cette lancée, il ne restera plus grand monde pour faire tourner les usines ou labourer les terres et encore moins ceux qui feront le jardinage ou laveront le pare-terre des biens pensants. Et souvenez vous de Steve Jobs, le créateur d’appel, il était également non désiré, puisqu’il a été adopté.

Je suis l’embryon, le plus faible être qui vient d’une cellule fécondée et qui a trois semaines de vie, c’est-à-dire après un retard de règles d’une semaine chez ma mère, mon cœur commence à battre, très vite je vais avoir des ébauches de mains et de pieds et je continue à évoluer tant que personne ne m’agresse. 

N’y a-t-il pas de temps pour les précurseurs des droits de l’homme et récemment de l’enfant de penser au droit de leur ancêtre l’embryon ? ou y a-t-il une volonté d’eugénisme mondialisée qui va vers le sens contraire. Les religions ont pensé à moi depuis bien longtemps avant les récentes découvertes scientifiques et on a considéré que l’œuf fécondé devrait être respecté. Parce que les religions croient que c’est Dieu qui a permis cette rencontre et il serait funeste de vouloir se mettre à sa place et stopper une vie en devenir. En ces temps, on souhaite utiliser la religion et lui faire dire autre chose par les marchands des textes, sans connaissances embryologiques approfondies.

L’embryon faible et peu désirable que je suis  vous somme de faire attention, de réfléchir à vous-même, d’où vous venez et où vous allez, peut être vous retrouverez la raison et par conséquent vous utiliserez votre génie pour trouver des solutions aux jeunes femmes qui se font traiter comme une marchandise, à d’autres qui se font abuser et à des parents qui ont perdu toutes les raisons humaines pour s’adonner à l’inceste. Pas en souhaitant juste m’éliminer pour traiter les conséquences d’une société en perdition. Sauvez-moi, vous vous sauverez vous-mêmes…

 

Dr Zouhair LAHNA
Gynécologue, obstétricien.
Ancien Chef de Clinique des Universités , Paris VII.
Acteur associatif et humanitaire notamment dans le domaine de santé reproductive

 

— L’opinion exprimée dans cet article ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction, l’auteur étant extérieur à Islam&Info. —

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