Gaza – Carnet de bord du Dr. Zuhair Lahna « La destruction des maisons mais pas de la volonté »

Comme prévbu, Islam&Info partage avec ses lecteurs le carnet de bord du Docteur Zuhair Lahna sur place à Gaza. Voici son témoignage du jour, mardi 5 août :

Attaque de Gaza : une destruction des maisons mais pas de la volonté !

Cette guerre n’est pas seulement meurtrière mais elle est destructrice des maisons et des foyers. Elle a occasionné le déplacement de 44% de la population de Gaza vers des zones intérieures, loin de l’Est et du Nord de la bande. Cette population, considérée comme ennemie, indésirable, inférieure, n’a eu que peu d’égard de la part d’une armée morale et démocratique nous dit-on.

L’armée lance des messages ou les envoie sur les téléphones mobiles afin que les habitants quittent leurs maisons dans tous les quartiers comme c’est le cas de : Chajiia, Beit Hanoun, Beit Lahia, Jabalia, Kouzaa. Les dégâts sont monstrueux et ce n’est certainement pas le moment de faire des inventaires. Ceux qui n’ont pas été morts ou blessés lors des raids emplissent les zones plus sures, loin de celles des combats directs.

Mais, rien n’est sûr à Gaza à cause des bombes lancées par des drones ou les destructions de maisons par des missiles qui viennent des avions F16, ou encore des tirs de tanks voire des bâtiments de guerre maritimes. Bref, l’atmosphère à Gaza sent la mort et l’insécurité.

Il arrive que l’armée qui connait via ses services secrets les numéros de téléphones de tous les habitants, envoie un message sur leurs mobiles des habitants pour les prévenir que la maison va être détruite dans trois minutes par exemple, juste le temps et encore de courir dehors. Vous imaginez bien la scène de panique surtout quand il y a des enfants en bas âge (ce qui est souvent le cas) ou des personnes âgées ou handicapées.

Parfois pour ne pas les déranger, l’armée sioniste détruit la maison sur ses habitants pendant leur sommeil ou les repas. C’est pour cela que le nombre de familles tuées en entier est impressionnant. Les dirigeants de cette armée se justifient sans sourciller que les familles exterminées vivaient sur un stock d’armes ou sur un tunnel. Idem pour la raison de destruction des bâtiments publics, des mosquées voire même des hôpitaux.

L’ennemi désigné comme terroriste doit être éliminé. La population qui le soutient ou qui se laisse faire n’a pas droit non plus à de la considération. Les plus forts établissent des vérités, les répètent par l’intermédiaire de leurs médias dominants de par le monde. Le soutien des pays démocratiques occidentaux et de leurs opinions publiques est acquis et le tour est joué.

Par conséquent, tous les coups sont permis pour, nous dit-on, assurer la sécurité des habitants. Alors tout le monde libre et des droits de l’homme regarde comme dans un film Hollywoodien la punition des récalcitrants auxquels tout a été subtilisé, hormis une dignité et un esprit de résistance.

La population déplacée de Gaza a trouvé refuge chez les familles et les connaissances. L’accueil est assuré même par des inconnus qui leur ont ouvert leurs portes.

Les écoles de l’ONU : la sécurité théorique !

Les familles, les plus pauvres, se sont repliées vers les écoles de l’ ONU considérées, théoriquement comme des espaces sécurisés. Or, trois d’entre elles ont été visées faisant des dizaines de morts et de blessés. Les familles de chajia venues au début avec leurs morts ou blessés n’avaient plus où aller, alors ils sont restés à l’hôpital.

Chaque famille essaie de trouver un endroit pour mettre un matelas pour pouvoir se reposer et dormir. D’autres familles ont choisi de s’installer dans les couloirs de l’hôpital Shifa.

Quant aux femmes, elles payent un prix supplémentaire pendant cette tragédie. En effet, ayant perdu, leurs maisons et parfois leurs fils, leurs maris ou frères, elles doivent faire face à cette nouvelle agression sur leur féminité et leur dignité. Petit à petit, les familles se sont procurées des draps et ont procédé à la mise en place de séparations de fortune pour préserver un semblant d’intimité. C’est l’été, il y a en a qui vont au camping pour changer d’air. Le camping s’est imposé aux Palestiniens des quartiers sinistrés de Gaza…

Devant le logement sommaire qui m’a été réservé par l’hôpital, dans un service d’hospitalisation, une famille s’est installée avec ses enfants. Le père me racontait qu’il avait des terres avec des centaines d’oliviers et plusieurs maisons. Le matin, il s’est réveillé et n’a trouvé aucun olivier épargné par les engins de l’armée . Un peu plus tard dans la journée, c’est sa maison qui a été détruite à coup de canons au quartier de Chajia. Il a décidé alors de fuir avec sa femme et ses enfants vers la zone de Zaitoune, mais les tirs des chars l’atteignent. Même situation d’insécurité dans la maison de son fils, alors il se retrouve au centre de Gaza.

Alors, il passé 4 heures à chercher à louer un appartement, mais sans résultat. Le soir, il s’assoit par terre, entouré de sa famille dans un coin de l’hôpital, comme n’importe quel mendiant. Il a su garder son fairplay en me disant que c’est même mieux parce que l’hôpital est l’endroit le plus sûr, quoi que pas mal d’entre eux ont été visés. Et il y a de l’eau et de l’électricité grâce aux générateurs. Ce qui est un luxe parce que le plupart des appartements n’ont plus ni eau ni électricité.

Ces services de base ne sont disponibles que pour 3 à 4 heures par jour ou pas du tout selon les endroits à Gaza. Tels sont les affres collatéraux de la guerre sur un peuple patient et qui s’en remet sans cesse à Dieu. Les palestiniens de Gaza sont mis à rude épreuve et personne n’a été épargné. Ils se disent que le monde dit civilisé qui regarde ce carnage sans broncher n’a désormais qu’un seul œil…

Zouhair Lahna, Gaza 5 Août 2014

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