Les « enfants volés » de la Réunion ou le crime de l’Etat

Cette sombre page de l’histoire contemporaine est si grave que nous avons jugé important de vous la faire connaitre. En effet, des enfants comme Jean-Charles, Lydie ou Jean-Jacques qui sont Réunionnais, il y en a une multitude. Ils fêteront bientôt leur 60 ans. Leur enfance a été volée par l ‘Etat Français qui organisait des déportations de convois d’enfants de leur ile vers des zones rurales à repeupler.

Mardi 18 février dernier, l’Assemblée Nationale a voté une résolution mémorielle pour sortir de l’ombre cet épisode méconnu : entre 1963 et 1982, plus de 1.600 enfants réunionnais, reconnus pupilles souvent sans le réel consentement de leurs parents, ont été transférés en métropole et « accueillis » dans 64 départements.

Créé en 1963, le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer est un organisme d’Etat voulu par Michel Debré. (Michel Debré est le père notamment de Jean Louis Debré, ancien  ministre de l’Intérieur  et président de l’ Assemblée nationale, il préside le Conseil Constitutionnel depuis 2007).

Cet organisme avait pour mission de solutionner « le problème démographique et social dans les départements ultramarins en organisant, favorisant et développant la promotion d’une émigration massive vers le territoire métropolitain », selon les termes de la résolution parlementaire. Mais en réalité c’est une déportation par convois qui a eu lieu.

Ces enfants déracinés sont parfois connus sous le nom des « enfants réunionnais de la Creuse » car celui par qui le scandale a éclaté, Jean-Jacques Martial, y avait été placé en famille d’accueil. En 2001, juste après avoir découvert qu’il avait une famille à la Réunion, Jean-Jacques Martial avait porté plainte contre l’Etat et demandé un milliard d’euros de réparation pour son « enfance volée ».

Cet homme, déporté, dans l’Hexagone à l’âge de 7 ans, en 1966, dans « un convoi de 250 marmailles qui allaient du nourrisson à l’adolescent », explique sa démarche :

« Un milliard, c’est comme un euro, c’ est ymbolique. Ça vaut combien l’enfance d’un enfant ? La trahison des adultes, la déraison de l’Etat, les larmes des parents ? »

« Si Martial n’avait pas lancé l’affaire, on serait resté dans l’oubli », souligne Jean-Charles Pitou, arrivé à 9 ans et demi dans le Cantal, à Queyzac. « Un mois de novembre, en short, il y avait beaucoup de neige », se remémore-t-il, encore frissonnant. 

Lui non plus n’a pas été abandonné par ses parents, séparés au moment de son départ. Sa mère, qui n’en avait pas la garde, est d’ailleurs venue en métropole pour le « voler au foyer ». Un bonheur de quelques mois avant que la Ddass ne le retrouve.

Certains déportés racontent les maltraitances subies dans les familles d’accueils, les agressions à caractère sexuelle et les innombrables coups dont personne n’a pu les extirper.

Monsieur Vitale,  sociologue à l’Université de Marseille affirme « Ces enfants-là sont le pur produit d’une affaire d’Etat et d’un abus de pouvoir : on a menti aux familles et rien demandé aux enfants, alors qu’on avait promis des nouvelles et des retours possibles ».

En effet, on fait croire à certains qu’un retour est possible mais comme le souligne la députée PS, Ericka Bareigts, à l’initiative de la résolution « les enfants ne reviennent pas pendant les vacances et leurs conditions d’accueil sont catastrophiques, très douloureuses. »

Elle déclare « Il faut a minima reconnaître une responsabilité morale de l’Etat envers ses pupilles et nous demandons une connaissance historique approfondie ».

C’est chose faite puisque l‘ Assemblée reconnait la responsabilité de l’Etat dans l’exil forcé des enfants réunionnais.

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