«Les sorties scolaires qui dé’voile’nt l’islamophobie » par Samim BOLAKY (LDJM)

Une mère de famille voilée s’est récemment vu refuser d’accompagner une sortie scolaire et a saisi, à cet effet, le tribunal administratif en référé, qui a considéré que ce refus était légal. Elle a décidé de « se battre pour obtenir une clarification » de la loi devant la juridiction administrative, a annoncé son avocat lundi 20 janvier.

Cette déléguée de parents d’élèves, « très active » au sein de l’école primaire Jules Ferry de Nice où l’un de ses enfants est scolarisé, avait déjà participé à d’autres sorties scolaires « sans que son voile ne pose de difficulté ».

Mais, au mois de décembre dernier, lorsque l’école invite les parents d’élèves à encadrer une sortie dans une médiathèque le 6 janvier, la mère de famille se porte volontaire. Elle mentionne toutefois qu’elle porte le voile car elle avait dû faire face en octobre à des refus « catégoriques » de pouvoir participer à des sorties scolaires dans l’école d’un autre de ses enfants.

L’institutrice de son fils lui répond qu’elle n’a « plus le droit d’accepter les mamans voilées » et qu’elle ne pourra venir que si elle retire son voile. Après plainte de la mère auprès de la directrice, cette dernière, un temps conciliante, confirmera finalement ce refus.

La mère a donc saisi le tribunal administratif de Nice en référé le 29 décembre, qui a rendu sa « décision motivée » deux jours plus tard « sans même convoquer les parties ». 

Ce qui pose problème en la matière, est l’assimilation faite à ces accompagnateurs au statut de collaborateur bénévole de service public. Cette théorie a été formulée par le Conseil d’État permettant notamment d’établir un régime de responsabilité de l’État en cas de dommage subi. De ce fait ces personnes sont assimilées à des agents publics, avec les droits et devoirs attachés, dont le principe de neutralité du service public prohibant tout signe pouvant être considéré comme prosélyte ou ostentatoire.

Toutefois, la Haute autorité de lutte contre les discriminations (HALDE) a eu l’occasion de se prononcer sur cette question lors d’une délibération du 14 mai 2007. Cette dernière a estimé que « la qualité de collaborateur bénévole auquel sont assimilés ces adultes ne peut emporter reconnaissance du statut d’agent public, avec l’ensemble des droits et des devoirs qui y sont rattachés », contrairement à ce que soutiennent certaines inspections d’académies. Elle a rappelé que « la notion de collaborateur bénévole est de nature fonctionnelle », en estimant que sa seule vocation consiste à couvrir les dommages subis par une personne qui, sans être un agent public, participe à une mission de service public ». 

Ainsi, la HALDE a estimé que le refus opposé aux mères d’élèves portant le foulard islamique de participer à des sorties scolaires est « contraire aux dispositions interdisant les discriminations fondées sur la religion ». D’ailleurs, la circulaire d’application du 18 mai 2004 de la loi n°2004-228 du 15 mars 2004 précise que cette loi sur la laïcité à l’école ne s’applique pas « aux parents d’élèves ».

Cependant, par un jugement en date du 22 novembre 2011, le tribunal administratif de Montreuil a eu l’occasion de se prononcer sur cette question, au travers d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre d’un règlement intérieur d’une école prévoyant que « les parents volontaires pour accompagner les sorties scolaires doivent respecter dans leur tenue et leurs propos la neutralité de l’école laïque. » Le tribunal administratif de Montreuil rejeta le recours de cette mère voilée, estimant, entre autres, que cette disposition du règlement intérieur n’est que l’application du principe constitutionnel de neutralité du service public.

Cette décision apparaît des plus critiquables. En effet, il est difficile de soutenir qu’un parent revêtant les apparats d’un accompagnateur soit dans l’obligation de renier son identité afin de préserver la neutralité du service public. Dans cette hypothèse, cette neutralité devrait être préservée jusqu’à la sortie de l’école, où les enfants peuvent se rendre compte de la diversité confessionnelle et vestimentaire des parents de part et d’autres.

Dans une étude du Conseil d’État publiée le 23 décembre, celui-ci a estimé que les mères voilées accompagnant des sorties scolaires n’étaient pas soumises, par principe, à la neutralité religieuse. Il a toutefois rappelé que les textes autorisaient des restrictions, pour « le maintien de l’ordre public et le bon fonctionnement du service public ».

En résumé, l’état du droit positif est qu’il est possible d’interdire le statut d’accompagnateur à des femmes voilées. Néanmoins, il ne s’agit que d’une décision de première instance qui apparaît, de surcroît, des plus critiquables car elle porte atteinte directement aux dispositions prévues par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH) concernant le droit à la vie privée, mais également de la liberté de religion prévue à l’article 9 de la CESDH. 

La mère de famille niçoise attend désormais que le tribunal administratif se prononce sur le fond pour savoir si « légalement ou pas, il(s) avai(en)t le droit de (lui) refuser d’accompagner cette sortie scolaire ».

Samim BOLAKY

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