Karim Achoui (LDJM) s’exprime sur la quenelle : « Tout débat devrait cesser »

« La quenelle, geste raciste ou non ? »

À l’heure où le Ministre de l’Intérieur souhaite procéder à l’interdiction des spectacles de l’humoriste Dieudonné M’bala M’bala dit Dirudonné, et lorsqu’un footballeur célèbre un but en levant sa main sur un bras tendu, le débat fait rage sur l’interprétation du signe dit de « la quenelle » et celui de savoir si ce signe est raciste ou non…

La quenelle peut se définir comme une boulette de forme allongée typique dans la cuisine traditionnelle de plusieurs régions françaises. Cependant, s’agissant de l’humoriste et de son univers, cette quenelle n’a rien à voir avec une spécialité culinaire régionale, si ce n’est la forme à laquelle elle fait référence. La quenelle se matérialise en un bras tendu vers le bas, coupé par l’autre main au niveau de l’épaule, apparu il y a quelques années dans l’univers humoristique de l’artiste, et devenu, depuis, un geste subversif manifestant l’opposition au « système » pour ses auteurs.

Mais alors, d’où vient l’interprétation de ce geste comme raciste ou antisémite ? Plusieurs associations de lutte contre l’antisémitisme, à l’instar du Crif ou de la Licra, ont considéré, par le biais de leurs représentants, que ce geste serait « un salut nazi inversé ». Toutefois, Dieudonné et ses partisans nient toute connotation nazi ou raciste à ce geste. Le salut fasciste est un salut exécuté par le bras et la main droite tendus, qui serait semblable au salut romain. Signe de ralliement du fascisme italien, il fut ensuite adopté par le Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP) d’Adolf Hitler, ce qui lui vaut d’être désormais fortement associé au nazisme. Une plainte en diffamation contre X a été déposée le 13 décembre dernier par l’humoriste afin de clarifier la signification de ce geste, et éviter la propagation de toute information erronée.

Tout acte n’est il pas tributaire des intentions qui l’animent ? Les milliers de français qui effectuent ce geste ne pensent uniquement qu’à manifester leur opposition au système, ou encore le voient comme un geste humoristique, décalé. L’appellation de cette « quenelle », représentant un élément de l’anatomie de l’homme, n’est il pas suffisant pour appréhender sa signification ? Ces personnes exécuteraient elles un geste dont elles ne maîtrisent pas la portée sans connaissance ? Et dans ce cas, ce geste, même s’il s’agissait d’un salut fasciste – ce qui n’est vraisemblablement pas le cas – pourrait il encore être considéré comme tel si ses auteurs le définissent et le pensent différemment ? Les avocats de Dieudonné, interrogés par Les Inrocks, considèrent « la quenelle » comme un « geste humoristique », un « bras d’honneur détendu ». L’auteur et le créateur de ce geste l’ayant défini, il semble que tout débat sur celui-ci devrait cesser. 

Manifester ses opinions contre le système au travers d’un geste est faire usage de sa liberté d’expression, qui  est prévue en droit interne aux articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen. L’article 10 prévoit que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». Le critère pouvant restreindre la liberté d’expression – dont la réalisation du geste de la quenelle est l’une des composantes – ne peut donc être restreint uniquement dans l’hypothèse d’un trouble à l’ordre public. Pour le moment, aucun trouble à l’ordre public – si ce n’est l’ordre public « médiatique » – ne peut être relevé, et, ainsi, aucune restriction à ce geste ne saurait se concevoir sur le plan strictement juridique.

Voir aussi : L'interview de Karim Achoui (Ligue de défense Judiciaire des musulmans) par Elias d'Imzalène  

Partagez :