Analyse – Retournement géostratégique total en Arabie Saoudite ?

-Avant Propos-

Avant tous les spécialistes reconnus et tous les experts proclamés du net, nous vous avions fait part de la possibilité d’un axe sunno-eurasien. Ce nouvel axe passerait par Ryadh, le Pakistan, la Russie et la Chine. Il se renforcerait ensuite par l’apparition de nouveaux pays musulmans, au Maghreb et au Cham, ayant recouvert leurs indépendances stratégiques.

Vous savez par ailleurs que nos souhaits vont dans les sens d’un monde multipolaire et donc de l’émergence d’un espace sunnite collaborant avec la Russie, la Chine et les émergents pour acquérir son indépendance vis à vis de l’Occident.

Ces analyses ont été moquées d’autant plus facilement que, même si cela nous paraît encore aujourd’hui peu probable, nous n’avions pas hésité à évoquer le possible revirement de l’Arabie Saoudite et la « trahison » de l’Iran. Nous parlions même d’un Bandar intriguant, d’une accélération de l’histoire et d’un Iran réintégré à l’alliance occidentale.

Depuis hier, tous les analystes occidentaux se plaquent sur notre analyse. Peut-être certains musulmans accepteront ils maintenant mieux l’information.

Le grand revirement géostratégique continue !

1. -IRAN, la réhabilitation-

Les négociations de Genève, contrairement aux allégations des médias français, sont en passe de réhabiliter totalement l’Iran sur le plan international. L’Iran accèdera donc au statut reconnu de puissance régionale de la région en se « nucléarisant » sous contrôle, moyennant un retour en force des américains dans le pays avec des contrats dépassant les 100 milliards de dollars offerts par les ayatollats aux multinationales.

Bien sûr l’Iran en échange aidera de tout son poids à sous-traiter ou pérenniser l’occupation américaine de l’Irak et de l’Afghanistan. Quant à la Syrie un accord américano-iranien de partage de pouvoir entre alaouites et sunnites se profilent… Le Financial Time, pour ceux qui douteraient encore, n’hésite pas à parler de  » réintégration de l’Iran dans le jeu occidental par Obama à l’image de la réhabilitation de la Chine sous Nixon ». L’arrivée de John Kerry, le vice-président américain, à Genève révèle à quel point l’establishment américain souhaite cet accord.

Comme nous vous le disions dans nos précédents articles, l’Occident du stratège Zbigniew Brzezinski renoue aujourd’hui avec la vieille tradition d’alliance chiito-« croisés » contre le monde arabo-sunnite. Les tenants de la dite « résistance chiite à l’Empire » devront vite réviser leur propagande. 

2. -Arabie Saoudite, de la rebuffade au bouleversement géostratégique-

-La guerre Iran-Arabie- L’Arabie Saoudite a demandé hier à tous ses ressortissants vivant au Liban de quitter le pays. Cette annonce fait suite au double attentat qui a tué 25 personnes et en a blessé plus de 150 à proximité de l’ambassade iranienne située dans la banlieue du sud de Beyrouth, fief du parti militaire Hezbollah. Un groupuscule nommé Brigades d’Abdellah Azzam a revendiqué cette attaque en exigeant du Hezbollah qu’il retire ses troupes de … Syrie. L’Arabie de Bandar avoue donc à demi-mot avoir pris l’initiative de relancer la guerre à l’Iran directement … au Liban.

La pratique est ancienne et on se souvient retrouver la main de Bandar dans les attentats de Beyrouth bien plus anciens.  D’autres nous parlent même de son implication dans les attentats du 11 septembre qui retrouveraient, alors, toute leur cohérence. Que dire d’ailleurs de la réapparition d’attentats puissants à Baghdad qui avaient pourtant disparu depuis le rachat d’une partie des insurgés ?

Comme supposé dans nos précédents articles, l’Arabie Saoudite a compris le revirement américain en faveur de son ennemi perse et semble désormais décidée à renouer avec la pratique souterraine d’attentats sous faux-drapeaux et de soutien aux insurgés sunnites pour peser sur la diplomatie … autrement. Et ceci à l’image de ce que firent pendant des années les iraniens. Ces pratiques deviendront d’autant plus fréquentes et précises qu’un accord caché scelle désormais la haine qu’entretiennent conjointement Riyadh et Tel Aviv envers leur ennemi commun.

Certains rétorqueront que ces pratiques ont toujours existé et qu’elles ne modifient pas fondamentalement les alliances géostratégiques locales. Alors que répondront-ils à cela ?

-L’alliance saoudo-eurasiatique- La Russie et l’Arabie Saoudite ont fait savoir aujourd’hui qu’elles négociaient un accord militaire d’un montant minimum de 12 milliards de dollars. Il s’agit bien là d’une première pour un pays armé depuis toujours quasi exclusivement en matériel américain. Cumulé aux milliards de commandes d’armement russe pour l’Egypte payées par l’Arabie, le manque à gagner commence à se faire sentir à Washington. Bien plus encore la Russie semble reprendre avec les arabes ce qu’elle a perdu face aux américains avec les perses. Il ne serait d’ailleurs pas étonnant de voir la Tchétchénie « se pacifier » en faveur d’un « réchauffement » au Liban, en Syrie, en Irak et en Afghanistan. 

N’oublions pas non plus que derrière ces accords d’armement des accords gaziers structuraux avec la Chine et la Russie sur le long terme sont désormais inévitables. Cette fracture géostratégique s’accompagne en effet d’une fracture économique du fait du projet américain d’autosuffisance gazière au schiste …

-Accord nucléaire avec le Pakistan- C’est dans ce contexte que le sénateur Edward Markey a demandé au président Obama de suspendre les négociations avec Riyad sur l’accord bilatéral relatif à la coopération dans le domaine nucléaire. En effet, comme énoncé dans nos précédents articles, le sénateur croit savoir de sources sûres que le royaume saoudien intensifie la réalisation de son programme nucléaire avec l’aide du Pakistan.

Ce même Pakistan en manque d’argent a, rappelons le, un accord de transfert d’ogives nucléaires avec l’Arabie … Riyadh pour faire face à cet Iran redevenu fréquentable pourrait très vite enrichir son parc de missiles longues portées chinois à capacité nucléaire (achetés il y a 20 ans par un certain Bandar …). On comprend dès lors mieux l’inquiétude des israéliens qui savent que si l’Iran n’est pas dangereux, la réplique arabe, elle, le sera sans aucun doute … La prochaine étape est en effet pour les saoudiens, habitués du genre, de réveiller les rêves nucléaires chez les « frères » égyptiens et algériens. 

-Climat de révolte- Il faut ajouter à cela que pour faire face à un éventuel printemps arabe saoudien souhaité par les libéraux, mais surtout par la minorité chiite, les princes devront forcément se repositionner. Un rapprochement avec les clans religieux les plus orthodoxes est à prévoir. La démocratisation du pays s’arrêterait ou pire, se ferait donc contre l’Occident. Les accidents de l’histoire et les retentissements ne sont donc plus à exclure …

Vers un nouveau Moyen Orient inversé

Pour conclure, dans ce nouveau contexte une maladresse de la diplomatie américaine ou un attentat trop audacieux pourraient en effet pousser Bandar, grand maître du jeu saoudien, bien plus loin des écarts qu’il s’était par avance fixés … La géostratégie de toute une partie du globe se redessine aujourd’hui devant nos yeux après que les deux principaux ennemis de la région aient laissé tomber leurs cartes et avouer leur alliance de toujours.

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