Egypte – Pour nos élites, il y a les bons coups d’État et les mauvais… | Nicolas Gauthier

Pour nos médias, il en va des coups d’État comme des chasseurs. Il y a les bons chasseurs et les mauvais chasseurs ; les bons coups d’État et les mauvais coups d’État.

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Le mauvais coup d’État, c’est le général Augusto Pinochet au Chili qui, à la suite de manifestations de masse, renverse le président démocratiquement élu, Salvador Allende, qui veut faire sombrer son pays dans le marxisme ; ce avec l’aide des USA.

Puis, il y a le bon coup d’État, c’est le général Abdel el-Sisi en Égypte qui, à la suite de manifestations de masse, renverse le président démocratiquement élu, Mohamed Morsi, qui veut faire sombrer son pays dans l’islamisme ; ce avec, cette fois, le soutien tacite des USA.

On comprend mieux pourquoi Laurent Fabius, patron du Quai d’Orsay, est en train de danser cet étrange pas de deux, au risque de se prendre les pieds dans le tapis oriental : « La situation est très critique en Égypte. Il faut revenir vers un cheminement démocratique et refuser la violence. »Certes. Mais « revenir vers un cheminement démocratique », cela signifie qu’il faut remettre en fonction le président Morsi, démocratiquement élu, et pourtant destitué par l’oligarchie militaire. Et quant à « refuser la violence », laquelle ? Si ce n’est celle perpétrée par cette même oligarchie galonnée.

Puis, Laurent Fabius, toujours : « Le président Morsi avait été élu dans des conditions régulières, mais le sentiment qu’ont eu beaucoup de personnes, c’est qu’il voulait aller vers un islamisme à marche forcée et, d’autre part, la situation économique était catastrophique. » Bref, il y aurait eu malentendu sur le programme électoral et le président en question n’aurait pas tenu ses promesses en matière de redressement économique… Tiens donc. Ça nous rappelle quelqu’un. François Hollande ? De plus en plus lâché par son propre camp, incapable de remettre la France sur le chemin du plein emploi et ayant dû, lui aussi, affronter des manifestations de semblable envergure. Si l’on en suit les conseils du bon docteur Fabius, l’actuel président aurait donc dû être lui aussi déposé depuis longtemps par nos militaires…

Du côté de la junte militaire, on promet des « mesures décisives et fermes » si les manifestants à venir « outrepassaient leur droit à l’expression pacifique ». Fort bien. Le week-end dernier, la soldatesque a tiré dans le tas. Bilan : 80 morts et plus d’un millier de blessés. Juste un petit avertissement, somme toute. Et la prochaine fois, le strike ? Effectivement, en athlétisme comme en répression politique, les records sont faits pour être battus. Au-dessous de 200 morts, il s’agirait donc d’une contre-performance.

Mais en matière d’hypocrisie, la première place du podium revient tout de même au vice-président – mis en place par les putschistes – Mohamed El Baradei, qui assure : « Les Frères musulmans font toujours partie du processus politique et nous voulons qu’ils y prennent part. » Monsieur est trop bon. Après des années de persécution, cette confrérie a pris part au processus électoral et a gagné l’élection présidentielle haut la main. Ce qui n’est pas le cas de ce technocrate n’ayant jamais hanté que les couloirs des institutions internationales.

Morale de l’histoire : pour être considéré comme un « véritable démocrate », mieux vaut emporter le soutien de l’opinion des « élites »étrangères que les suffrages de ses propres concitoyens. C’est à méditer.

Nicolas Gauthier
bvoltaire.fr

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