Déchéance de nationalité – Ce gouvernement est dans l’art du calcul politique | Hamid CHRIET

En effet après un rétropédalage de la garde des sceaux et un silence assourdissant de la majorité socialiste le président Hollande maintien sa décision sur la déchéance de la nationalité. Tous ces débats sur la « déchéance » n’ont pas lieux d’être. Notre législation dispose de tous les moyens pour permettre à des policiers et a des juges  de faire face, avec la loi, à la situation créée par les menaces « terroristes », sur le territoire et ailleurs. Nul besoin de réviser le Code de la nationalité ou encore la Constitution, en matière d’Etat d’urgence.

L’analyse juridique

Ce projet mérite une analyse juridique, historique et politique  que bien des parlementaires sont en peine de faire , traduisant d’ailleurs une totale  méconnaissance du fonctionnement, de l’histoire de  la Ve République et des relations internationales. A cet égard les parlementaires, sont terriblement instrumentalisés et ne s’en aperçoivent même pas. En effet, il s’agit là d’inscrire dans la Constitution l’état d’urgence et la déchéance de nationalité. D’abord concernant l’état d’urgence, le Conseil constitutionnel a jugé que la loi était conforme à la Constitution. Par conséquent, si la loi est conforme, il n’est pas nécessaire de modifier le texte suprême qui est la constitution . Or  On révise une Constitution pour faire ce qu’elle ne permet pas. En l’espèce,  sauf que là elle le permet. Tout étudiant en science politique apprend cela en première année. Cette révision aurait eu un sens si le Conseil constitutionnel avait déclaré la loi non-conforme. Concernant la déchéance de nationalité, l’article 34 de la Constitution dispose que: « La loi fixe les règles concernant : (…) – la nationalité, l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités ; – la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l’amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ; ». La Constitution permet donc au législateur de voter la déchéance de nationalité et même d’en faire une peine complémentaire. En aucun cas une révision constitutionnelle est nécessaire.

L’approche historique

En ce qui concerne l’analyse historique , Patrick Weil, juriste et historien compétent s’il en est, ex-conseiller de Chevènement à l’Intérieur, s’époumone à rectifier tous les errements de nos politiques sur la nationalité. Si l’on fait un peu d’histoire le Code civil de 1804 prévoyait 5 conditions de perte de la nationalité :

1/ la naturalisation acquise en pays étranger ;2/ l’acceptation non autorisée par l’Empereur, de fonctions publiques, conférées par un gouvernement étranger ; 3/ l’établissement fait en pays étranger, sans esprit de retour ; 4/ le mariage d’une Française avec un étranger ; 5/ la prise de service militaire non autorisée à l’étranger. Des conditions auxquelles s’ajoute, à partir de 1848, le commerce et la possession d’esclaves. La plupart de ces dispositions, à l’exception de la 5e sur le mariage, sont toujours en vigueur dans notre Code civil suivant des modalités plus précises et avec, des différences suivant qu’elle porte sur une nationalité « acquise », « de naissance » ou « d’état » : « déchéance » (ou « dénaturalisation ») à l’article 25 et « perte » aux articles 23 pour les Français de naissance binationaux, qu’ils soient descendants en ligne directe de Charles Martel, de Garibaldi ou de Léopold Sédar Senghor. Cette dernière disposition est l’héritage d’un décret-loi d’Edouard Daladier adopté, en 1938, dans un contexte de tensions – menace hitlérienne, guerre d’Espagne – en contrepartie de mesures libérales antérieures comme l’acceptation de la double nationalité et la naturalisation après trois ans de séjour seulement. Elle a été maintenue après la Libération dans l’ordonnance de 1945. Sa formulation actuelle, adoptée par le gouvernement Jospin avec la restriction qui interdit le statut d’apatride, fixe que « le Français qui se comporte en fait comme le national d’un pays étranger peut, s’il a la nationalité de ce pays, être déclaré, par décret après avis conforme du Conseil d’Etat, avoir perdu la qualité de Français.» Elle est assez neutre et vague pour s’appliquer en de nombreuses circonstances. 

La tactique politique du PS

Autrement dit, le Parti socialiste est dans un calcul politique très cynique. Il s’agit là de couper l’herbe sous le pied des Républicains, utiliser les thèmes du FN, pour continuer de l’utiliser contre la droite classique. C’est futé, mais terriblement dangereux. Ce faisant, ils oublient que des gens de gauche se sentent plus que trahis. Cette mesure sera inefficace, dangereuse et symboliquement catastrophique, qui plus est venue de rives politiques très éloignées de l’idéal républicain. S’agit-il de la même parole présidentielle qui parlait de droit de vote des étrangers, de lutte contre les discriminations, de priorité à la jeunesse et d’encadrement des contrôles d’identité pour éviter les contrôles au faciès? C’est une ignominie la  déchéance de la nationalité puisque ses terroristes rêve d’un califat. Quand il fallait prendre le risque de changer la constitution pour « le vote des étrangers » c’était non !  Quelle stupidité ! Cette loi ridicule ne découragera aucun candidat terroriste et jettera l’opprobre sur les binationaux. C’est une façon démocratique de « mettre en garde »de la dissuasion républicaine un compromis politique typiquement hollandien. Si « Les Binationaux n’ont rien à craindre de François Hollande », alors pourquoi ils sont traités comme des potentiels criminels ?

Finalement , puisque la droite comme la gauche républicaine se « lepenisent », autant voter pour l’original aux prochaines élections présidentielles et législatives et qu’on n’en parle plus. 8 millions de français binationaux ne voteront ni Sarkozy ni Hollande .Ami(e)s musulmans, étrangers, roms, arabes, noirs, banlieusards …. La campagne 2017 vous sera surement dédiée. Préparez vous à en prendre plein la gueule car tout le monde va courir après Marine.

Hamid CHRIET
Géopolitologue

— L’opinion exprimée dans cet article ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction, l’auteur étant extérieur à Islam&Info. —

Partagez :