Derrière l’interdiction du voile à l’université, une régression du droit des femmes françaises

A l’heure actuelle, un nouveau débat sorti de nulle part vient poindre son nez dans une ambiance déjà délétère pour la communauté musulmane. Autorisation ou non du voile à l’université ?

Un débat stérile

Le voile n’a posé aucun problème au sein de l’enseignement supérieur pourtant, la secrétaire d’Etat au droit des femmes, Pascale Boistard, estime qu’il n’y a pas sa place.

Afin de justifier une telle mesure, en appeler à la laïcité ne suffit plus. Cette proposition n’est qu’une volonté politique pour ostraciser les femmes musulmanes de la sphère professionnelle et d’un niveau social plus élitiste.

Nombre de chercheurs, à l’instar de Nilufer Göle, Françoise Gaspard ou encore Farhad Khosrokhavar, dévoilent à travers des études méticuleuses que le voile des jeunes femmes de nos jours est un choix personnel et un élément majeur de leur indépendance et autonomie en tant que femme. Le port de ce vêtement est mûrement réfléchi et est l’aboutissement d’une recherche spirituelle sérieuse, loin des stéréotypes de soumission de la femme ou d’imposition culturelle traditionnelle.

 

Un relent de paternalisme et de sexisme

Or, il apparaît plus qu’évident que les politiques qui désirent éradiquer le voile des universités, voire de l’espace public, concourent à des positions ethnocentristes. La laïcité est avant tout la séparation de l’Eglise et de l’Etat donc les politiques, représentants si attachés à ce principe qui tend presque à faire désormais partie intégrante de la devise française, n’ont pas à donner leur avis personnel sur le port du voile. La laïcité, dont le synonyme est l’impartialité ou la neutralité de l’Etat à l’égard des confessions, doit permettre le vivre ensemble en acceptant les différences non en supprimant les religions de la scène publique.

Quand Nicolas Sarkozy décrète que le foulard devrait être interdit de manière générale au nom de l’égalité homme/femme, le respect à l’égard des principales intéressées est outrepassé. Ce débat n’intervient pas directement dans celui sur le voile à la faculté mais il est le miroir du manque de connaissance sur le sujet et d’un jugement purement orienté par des valeurs et des normes personnelles. Cependant, en démocratie, tout à chacun est libre de choisir ses propres coutumes et règles de vie tant qu’elles ne tombent pas sous le coup de la loi.

Le respect de la femme est peut-être mieux défendu de la sorte??

dsk hollande

Les politiques français ne cessent d’incarner la vision de Jules Ferry par laquelle il faudrait éduquer les peuples inférieurs. Toutefois, si la laïcité tend à devenir un principe de plus en plus défendu et mis en avant, la liberté et l’égalité sont des données premières et non négligeables.

Politiques et médias ne peuvent tenir une posture condescendante ou paternaliste voire machiste à l’égard des femmes voilées. Les hommes, malgré  les années de féminisme et d’avancée en matière de droit des femmes, conservent leur nostalgie de contrôle sur la gente féminine. Ce  machisme latent a pris pour cible les femmes voilées…

 

Une mesure d’ostracisme professionnel, social et économique comme affront à l’avancée du droit des femmes

Remettre en question le port du voile à al faculté revient à exclure des centaines d’étudiantes d’une carrière professionnelle et par conséquent d’un revenu, d’un statut social valorisant et replacerait a fortiori la femme dans un rapport de dépendance vis-à-vis de petits boulots ingrats, de sa famille ou même de son mari.

Le droit à l’enseignement supérieur pour la gente féminine a été un combat de longue haleine en perpétuel mouvement. Le récent questionnement sur la légitimité des femmes voilées au sein des universités françaises n’est qu’une régression pour les droits des femmes et signe la mise au ban de la société d’une partie d’entre elles.

Exclure des femmes de l’enseignement supérieur fait échos à la manifestation du 7 octobre 1885, lorsque le concours d’internat de médecine est devenu mixte, des étudiants enragés se sont défoulés sur une poupée dressée à l’effigie d’Augusta Dejerine-Klumpk, première femme diplômée de l’internat des hôpitaux de Paris. Peur de la rivalité et pur machisme peuvent s’expliquer à une époque où les femmes n’avaient pas investi ou très peu la sphère médicale au niveau professionnel mais à l’heure actuelle comment justifier ce sexisme rebutant ?

madeleine bres

Le docteur Henri Montanier écrit en réponse au souhait d’inscription de Madeleine Bres au concours des hôpitaux et à la possibilité d’inscription en médecine pour les femmes en 1868 dans la Gazette des hôpitaux :

« […] pour faire une femme médecin, il faut lui faire perdre la sensibilité, la timidité, la pudeur, l’endurcir par la vue des choses les plus horribles et les plus effrayantes. Lorsque la femme en serait arrivée là, je me le demande, que resterait-il de la femme? Un être qui ne serait plus ni une jeune fille, ni une femme, ni une épouse, ni une mère ».

Dans le domaine juridique, le ton était de même ordre. Jeanne Chauvin, première femme française à plaider  en 1907, avait reçu un accueil détestable lors de la présentation de sa soutenance en 1892 où des étudiants l’ont empêchée de parler en criant et en chantant la Marseillaise. Des arguments réfutant le fait qu’une femme puisse porter une « robe » étaient même prononcés.

Jeanne_Chauvin

En viendrait-on à brûler des poupées à l’effigie des femmes voilées pour manifester un refus de ce vêtement à la fac ?

Ce substrat islamophobe nauséabond sur fond de misogynie est des plus rétrogrades pour l’émancipation intellectuelle, professionnelle et économique des femmes.

 

Un souffle de raison

Fort heureusement, le président de la Conférence des Présidents d’Université, Jean-Loup Salzmann, lors d’un débat contre Daniel Keller, grand maître du Grand Orient de France, la plus ancienne loge maçonnique française et la plus importante d’Europe Continentale, se positionne contre toute interdiction. La faculté est un espace public certes, mais non obligatoire, les valeurs méritocratiques priment sur toute discrimination religieuse, politique ou philosophique. La crainte du voile comme facteur de prosélytisme, argument avancé lors des débats entourant l’interdiction du voile en école primaire, collège et lycée, n’a pas lieu pour des étudiants majeurs entièrement conscients.

Daniel Keller apporte une touche d’hypocrisie et de raillerie contre les femmes voilées puisque l’interdiction ne concernerait que l’entrée des amphithéâtres, non la faculté en elle-même… C’est surement à cet instant que l’on doit pousser un soupir de soulagement…

 

Le traitement de la femme musulmane dans les médias et les mots pullulants à l’égard de toute une communauté de la part de ceux qui sont censés représentés les français sans distinction de race, de religion ou de couleur de peau annoncent le spectre d’un bannissement de l’islam dans ce qu’il a de plus sacré du territoire français.

Le questionnement sur le voile à la faculté démontre uniquement un acharnement malsain et pernicieux, une tentative désespérée de récupérer les électeurs qui seraient de plus en plus favorables au Front National ou encore de porter une inconnue sur les devants de la scène médiatique afin de justifier un poste qui n’a pas grande utilité en surfant sur le tsunami islamophobe.

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