« Rafle de 5 enfants musulmans » – Lettre ouverte aux Ministres du gouvernement

A Lyon, le 10 Février 2015

Madame La Ministre de l’Education Nationale, Madame la Garde des Sceaux, , Madame La Ministre des Affaires Sociales, Monsieur le Ministre de l’Intérieur,

La Coordination contre le Racisme et l’Islamophobie dans sa mission contre les discriminations racistes, sociales et islamophobes vous interpelle sur les sujets récents qui intéressent les enfants scolarisés de la République.

Alors que notre association avait obtenu le retrait du powerpoint de l’Académie de Poitiers, pour le moins polémique et stigmatisant une frange de la population d’élèves, vous récidivez en permettant la diffusion d’un autre powerpoint du même acabit dont la fin présumée serait le repérage d’enfants potentiellement djihadistes, terroristes et intégristes. Nous citons un exemple d’icône, présentant une baguette de pain, inscrit dans votre powerpoint : « ils changent brusquement leurs habitudes alimentaires ».

Nous aimerions franchement comprendre comment en 2015, il est encore possible d’établir de telles représentations aussi grotesques de pratiques d’un présupposé groupe humain qui caractériserait de facto et de manière probante des djihadistes. Quelle expertise derrière cette représentation a pu se prévaloir d’une telle imagerie burlesque ?

Cela dit, nous voulons montrer qu’avec un tel powerpoint, la promotion de la délation et de jugements subjectifs, les risques de stigmatisation et d’interprétation aléatoires sont importants et dangereux pour nos enfants, pour la cohésion au sein même de l’école républicaine, pour notre pays tout entier. Vous conférez aux enseignants un rôle qui ne leur est pas dévolu et dont ils n’ont pas de formation parce qu’enseigner n’est pas contrôler, être behavioriste ou surveiller au sens policier du terme. Il serait plus opportun de rappeler ou d’encourager les enseignants à poursuivre leur véritable mission d’instruction à élever le niveau d’esprit critique du futur citoyen, le responsabiliser pour son autonomie par l’apprentissage de la maitrise du langage, des sciences et de l’histoire, de leur en donner les véritables moyens et valoriser leur travail plutôt que de les assigner avec réduction à être des policiers qui seront bientôt invités à faire du chiffre pour crédibiliser cette psychose nationale que vous tentez d’instaurer et justifier un rabais des libertés individuelles.

Mesdames et Messieurs les Ministres, plusieurs enfants et leur famille depuis l’affaire Charlie Hebdo ont été « mis en examen », combien d’autres ont été observés, espionnés ? Est-ce cette école moderne et républicaine que vous tentez de promouvoir ou un lieu d’enfermement, de correction et de contrôle ?
Comment peut-on toucher à la classe de personnes les plus vulnérables, les enfants, ceux que les familles envoient à l’école de la République chaque matin, en toute confiance, et se retrouver à leur insu sous contrôle, leurs comportements étant observés, analysés à la loupe selon des critères risibles émanant d’ « experts cupides » ? Des enfants qui, pour la plupart relèvent du milieu social le plus défavorisé, de surcroit stigmatisés par un gouvernement socialiste !

Vous affichez votre soutien ferme et inconditionnel, à l’instar de M. Ciotti et M. Estrosi, à l’école niçoise qui a fait convoquer les parents d’un petit garçon âgé de huit ans Ahmed, au commissariat, pour « apologie du terrorisme ». À Cagnes, une fillette de 10 ans est entendue par la brigade de prévention de la délinquance juvénile pour une phrase sur sa copie de CM2, une employée municipale l’ayant dénoncée. À Villers-Cotterêts, un enfant de 9 ans est faussement accusé par un camarade d’avoir crié : « Allah Akbar », un autre à Roanne pour avoir dessiné une kalachnikov …

La rafle aurait-elle déjà débuté ?

L’attentat contre Charlie Hebdo et la lutte contre le terrorisme ne constituent pas un blanc-seing qui vous autoriserait à nous imposer une « securitate », surveiller et maltraiter nos enfants, leur famille jusque dans la sphère privée, sphère de liberté de parole, ne vous en déplaise, vous qui avez osé défiler aux côtés de personnalités politiques le 11 janvier dernier, peu recommandables, main dans la main entre tyrans et colonisateurs, dictateurs et contre la liberté d’expression.

Mesdames et Messieurs les Ministres, nous vous prions de ne pas donner la leçon aux familles, derniers remparts contre l’individualisme, derniers refuges de la fraternité et de la solidarité, de ne pas détruire le symbole de l’école pensée par notre juste Condorcet, au risque de déshonorer notre Jean Jaurès qui depuis un certain temps doit se retourner dans sa tombe à la vue et au su de certaines des actions du gouvernement socialiste dont on se fait souvent le chantre avec moult contradictions :
« La liberté, c’est l’enfant de la classe ouvrière, née sur un grabat de misère, et de mine chétive encore, mais qui porte en soi une incomparable vitalité secrète et dont le regard de flamme appelle la liberté d’un monde nouveau. » (Jean Jaurès, 4 décembre 1905, à Paris, Chambre des députés).

Madame La Ministre de l’Education Nationale, Madame la Garde des Sceaux, Madame La Ministre des Affaires Sociales, Monsieur le Ministre de l’Intérieur, la Coordination contre le Racisme et l’Islamophobie préoccupée par l’intérêt général, la cohésion nationale, l’égalité et la justice, attend une réponse en adéquation avec l’éthique de responsabilité qui incombe à votre haute fonction, à l’écoute des citoyens, à leur respect et leur dignité, pour les valeurs de la France, observée de l’extérieur avec curiosité et parfois risibilité, dont certaines pratiques aléatoires subordonnées à une idéologie républicaniste et laïciste ne doivent entacher celle-ci dans l’histoire universelle des hommes.

La Coordination contre le Racisme et l’Islamophobie
www.crifrance.com

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