Réponse d’une soeur à Abdennour Bidar qui appelle à une réforme de l’Islam

Abdennour Bidar, coqueluche des médias, est jugé comme un spécialiste des évolutions contemporaines de l’islam et des théories de la sécularisation et post-sécularisation. En 2014, il avait publié sur le journal Marianne une lettre ouverte au monde musulman pour demander une réforme de l’Islam qu’il avait décrit comme un « grand corps malade ».

Une lectrice d’Islam&Info, doctorante en sociologie politique, bouleversée par l’impact de cet écrit sur une majorité de journaux français a décidé de répondre à Abdennour Bidar. Pour elle, il n’y a pas la moindre notion d’espoir ou d’unité à travers cet appel à l’opposition entre les bons musulmans « réformateurs et laïques », et le reste d’entre nous « passéistes et intégristes ».

Islam&Info ouvre et ouvrira toujours ses portes aux musulmans qui souhaitent répondre aux inepties des dits spécialistes de l’Islam et du monde musulman. A vos plumes !

A toi qui regarde du dehors et de loin,

Cher fils éloigné s’adressant à un monde musulman fantasmé et déformé par le prisme d’un trop long allaitement au sein de la dictature de la bien-pensance philosophique et ethnocentrique d’une culture acculturée, qui regarde ceux qui jadis lui ont offert logis, couvert et lettres de l’esprit avec une arrogance sans nom. Comment prétendre s’adresser à un monde musulman monolithique et maître de lui-même, à qui l’on exige de rendre des comptes sur son honneur souillé et son temps gaspillé à nier l’enfant adultérin né de ses dépravations et son manque de rectitude. Et cela, alors même, qu’il n’est un secret pour personne que ce monde musulman, n’est fait que de despotes qui martyrisent leurs peuples et se partagent ses trésors avec leurs amis d’Occident.

Quel est ce monde à qui tu t’adresses ? Est-ce cette réserve géante qu’est l’Afrique où les représentants de tes grandes puissances impérialistes, concurrencent de génies et de stratagèmes pour que jamais ses eaux ne tarissent. Est-ce à un continent africain ravagé, à sa production industrielle en chute et à sa production agricole ruinée et gravement en reflux ? A ces sociétés africaines qui, il y a quelques dizaines d’années, était pour ainsi dire intégralement rurale ; et qui à ce jour, sont forcées d’importer sa nourriture ? Est-ce aux dictatures abjectes des États africains que tu t’adresses ou à leurs classes pauvres ? Ton discours s’adresse peut-être à tous les despotes laquais de tes gouvernants impérialistes qui condamnent à coup de pressions, des millions de citoyens au choix entre la peste et le choléra. A qui t’adresses-tu ? Au monde Arabe peut-être ? Celui-là même qui a tenté hier de se relever de l’héritage funeste du partage colonial de ses terres et de l’implantation de ses traîtres arabes Saoudiens, Emiraties, Irakiens…leurs destins sont mêlés, depuis plusieurs siècles.

C’est la même bourgeoisie sans foi ni loi, ici comme là-bas qui a dépouillée, saccagée, saignée ; qui dépouille, saccage et saigne au Moyen-Orient, et qui en Occident a abusée et abuse la classe ouvrière. Tout un pan primordial de l’histoire humaine depuis le temps des colonisations et des affréteurs négriers, des grands négociants jusqu’aux brasseurs d’affaires et aux banquiers-usuriers d’aujourd’hui. En passant par l’époque du travail forcé et du servage aux quatre coins du globe. Toute une partie fondamentale de l’histoire de l’accumulation de ses gains capitalistes, a mêlée et mêle nos mondes. Celle des peuples et des travailleurs africains-orientaux et, celle du prolétariat occidental lui-même constitué pour une part, de prolétaires venus de ce monde que tu dis musulman. L’impérialisme a enlacé avec force nos destins à jamais par le sang et la chair, dans les tranchées de la « Grande Guerre » qui n’a de grande que son nom. Comme sur les champs de batailles de la seconde guerre mondiale, où ces « pas en mon nom » que tu fustiges à présent, sont eux, morts pour la liberté, l’égalité et la fraternité de l’Europe d’hier.

Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, tu parles à un monde qui ne pourra jamais te répondre car le sort tragique qui est fait aujourd’hui aux masses populaires de l’Afrique comme du Moyen-Orient et de l’Asie ne permet pas ton débat didactique où tu te poses en accusateur. Car oui que tu l’entendes ou non, le débat est inégal, oui les protagonistes ne combattent pas à plumes égales. Tu discoures du haut de l’opulente Babylone pendant que le monde émietté à qui tu t’adresses est fait d’humains qui travaillent ardemment, tout en ramassant ses corps de jour et en se distrayant à coup de musique assourdissante pour oublier ses peines la nuit tombée. Tu parles à un monde qui ne pourra jamais te répondre.

Tu t’adresses à un monde musulman dont tu dis qu’il a perdu son honneur et son temps dans sa nostalgie de sa grandeur passé, et son incapacité trop durable à trouver sa place dans la civilisation humaine. Quel enfant ingrat que celui-ci qui nie la contribution humaine, scientifique et intellectuelle de ce monde musulman qui huit siècles durant protégea, forma et qui propulsa dans ses universités andalouses la renaissance européenne et mondiale qui donna lieu à tous le génie de l’Occident de ces derniers siècles. C’est une dette que tu ne pourras jamais effacer car cette philosophie, qui est tienne, t’es parvenue de ces pieux érudits musulmans dont tu balayes en deux mots cet héritage civilisationnel. Vois-tu sa place dans la civilisation humaine est incontestable, et si hier le monde entier parlait l’arabe et ventait la tolérance sans aucune mesure de sa foi. Aujourd’hui, c’est au plus bas de l’échelle que l’on veut l’enterrer, comme un seul corps dont on souhaiterait taire le nom pour le faire oublier à jamais.

Mais le monde musulman n’est plus un, la civilisation islamique n’a plus de chefs et d’empires…il ne reste que des humains qui portent en eux partout sur cette planète les lumières de leur foi et l’héritage grandiose de leur histoire. Le monde dont tu parles n’est que le tiers-monde, il n’a pas de couleur d’ethnie ni de religion car trop occupé à tenter tant bien que mal, de se relever du pillage des ressources de ses nombreuses tribus, par une cavalerie sans nom qui après avoir souillé « son honneur », brisé l’harmonie traditionnelle de ses clans et brûler tous ses livres…voudrait aujourd’hui d’un ton inquisiteur qu’elle se justifie de ses vicissitudes. Sa place dans la civilisation humaine, dis-tu…elle l’a gagné au prix de ses épreuves sanglantes invasions après invasions, de son stoïcisme face aux catastrophes naturelles à récurrences, son humilité dans cette pauvreté génocidaire et autres dictatures « éclairés » qui gangrène les siens jour après jour.   

        Cher fils éloigné, ce cri que tu entends n’est pas un cri de révolte, car nul n’est plus sourd que celui qui ne veux pas entendre…tu sembles oublier que le mal engendre le mal et qu’à force de frapper un homme à terre, on risque de le briser. Et au moindre sursaut de force, il tentera avec toute hargne de se relever. Comment demander à l’homme à terre de se laisser achever sans mot aucun, et ajouter à l’agonie l’affront de l’excuse. Aujourd’hui par ces mots cher enfant perdu, à l’agonie s’ajoute l’infamie et la basse torture…Car celui qui pointe du doigts l’hypocrisie des uns, n’est autre que le ventriloque qui a lâché ses chiens sur ce tiers monde désœuvré et divisé depuis si longtemps ; empêchant toute justice sociale d’éclore, tout projet durable de se construire et toute révolution d’aboutir. Pourquoi avoir choisi le masque de l’Islam, car pour détruire un homme à terre et à l’agonie, il faut briser son âme…il faut briser ses rêves…il faut éteindre sa flamme.

Qui a introduit au cœur de ce monde ses chiens enragés ? Pour quels motifs et à quelles fins ? Seul, tu demeures dans ton ignorance de l’histoire et des politiques politiciennes qui soutiennent fermement les plus grands ennemis de l’Islam, alliés internes advitam eternam contre toute liberté, égalité et fraternité humaine. Ceux-là mêmes qui massacrent les musulmans depuis des décennies et qui jamais ne sont jugés. Ceux-là mêmes qui revêtues que leurs keffiehs traditionnels, signent les chèques à l’Occident pour bombarder leurs frères, et se partager par compagnies les sources pétrolières, de gaz et de minerais. Es-tu ignorant au point de penser que la religion a sa place dans cette guerre pernicieuse du dollar, de l’euro et du pétrodollar.

Saches qu’il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, et ceux qui se cachent derrière ces monstres ; ne sont nuls autre que les cols blancs des grands bureaux du sommet de leurs tours d’or et d’ivoire. Eux qui sacrifient les âmes humaines sur l’autel du profit… égorgés et vidés sans remords de leurs forces vitales pour rendre culte à  leur Idole à trois tête « Profit » « Gain » et « Bénéfice ». Tu es si loin que tu te perds dans les méandres des mythes et de la confusion sur une Vérité immuable, celle d’un monde bipolaire où seul deux camps subsisteraient : « les méchants » et « les gentils »…Mais dans ta confusion agitée, tu oublies que l’humain est humain justement par sa complexité et que les héros d’hier sont les ennemis du jour, et vice versa. L’histoire ne fait que se répéter dans un cycle infernal de culpabilité et de responsabilité renvoyé les uns aux autres.

Dans la vision manichéenne qui coule dans tes veines, abreuvé depuis bien trop longtemps par un poison doux et délicieux, qui a failli tes sens et flouté ta vision du réel, tu oublies que les maîtres de ce monde qui est le tien moralisateur et pourfendeur de l’injustice, sont assis comme toi sur les cendres de ces peuples. Agonisants à terre, ils n’ont pas eu le temps d’invoquer leurs esprits et leurs ancêtres pour leur prêter secours contre le mal de tes cavaliers justiciers démocrates et libertaires. Te rends-tu compte cher enfant perdu, offusqué du sursaut de vie qui demeure en ce « monde musulman », que tu ne prends le soin de l’observer que du haut de ton haut-standing sans jamais l’étreindre et lui porter oreille. Soldat de lettres de ton microcosme bien nourri certes, mais malentendant et myope, tu accomplis ta mission avec zèle et ferveur. Mais qui es-tu si ce n’est un observateur lointain, conditionné et non-expérimenté pour lui refuser son droit à la foi, au seul remède subsistant à ses maux et peut-être même son dernier vœux avant le trépas.

       Cher fils éloigné, le problème est celui des racines du mal effectivement! En plus d’être philosophe, tu sembles être devin, mais méfies-toi des charlatans car leurs enseignements ne délivres que de faux présages. Les racines du mal tu as raison sont essentielles à définir sans quoi comment faire face à la réalité. Or ce cancer a été administré par ceux qui ont armés, entraînés et financés ces organisations. Est-ce les Syriens eux-mêmes, morts, dont plusieurs millions fuient de toutes parts pour survivent aux massacres ? Est-ce les Palestiniens emprisonnés dans des zones de non-droits à l’intérieur de leur propre « pays » ? Est-ce les Irakiens qui après avoir perdu plus de 2 millions des leurs par les mains de leurs « libérateurs américains », ont été entrainés habilement dans des conflits politiques internes ? Est-ce les Afghans hier acclamés pour leur combat contre « les méchants », c’était le soviétique, qui payent depuis plus de 10 ans un attentat, dans lequel aucun afghan n’était impliqué?

Il est de notoriété publique que ces agents extrémistes de la terreur que tu évoques, ont été entraînés, armés et financés dans les bases entraînements de la coalition Etats-Unis-Europe en Jordanie et dans les Emirats. Lis et médites, avant de te précipiter. Leurs forces militaires, politiques et économiques est le fruit des efforts de vos dirigeants pour déstabiliser la région et protéger leurs réserves pétrolières, de gaz et autres mânes généreuses. Après avoir propagé le mal à l’autre bout du monde, on voudrait s’en dédouaner et imposer le poids de toute la responsabilité sur des peuples qui subissent déjà brutalement les conséquences de ces mêmes stratégies géopolitiques criminelles…Non, le pseudo « Etat islamique » n’est pas le fruit de l’Islam pas plus que la Shoah n’est celle du christianisme ; et les génocides de parts et d’autres de la planète, ne le sont pas plus des autres religions.

Ce n’est pas une crise spirituelle que traverse le monde, écoutes les spécialistes en géopolitiques et lis plutôt que de ressentir, analyses avant de réagir. Les quatre décennies d’indépendance politique de la plupart des États d’Afrique et du Moyen-Orient n’ont en rien brisé les attaches de la dépendance économique à l’égard de l’impérialisme. Cette dépendance s’est, à bien des égards empirée graduellement. L’exploitation des richesses de ces continents a perduré au profit des grandes sociétés marchandes multimilliardaires, qui monopolisent à la fois l’importation et l’exportation dans le cadre d’un circuit fermé. Le braquage économique s’est aggravé sous couvert du secours apporté par le FMI et la Banque Mondiale. Car il en va de la « coopération » comme de l’aide, ce ne sont que des codes, des passe-droits. L’ « aide publique » mondiale est liée pour une grande part, sans parler de sa partie militaire, à des commandes sur le marché financier. Les Etats occidentaux financent avec l’argent public ce qu’il faut pour maintenir des sources de profits pour ses groupes capitalistes privés intéressés.

Bien entendu de telles économies ne peuvent admettre une accumulation locale de capitaux importante. Tu comprendras bien qu’il n’est pas ici question d’Islam, quand tout souffle de développement industriel autochtone y a été asphyxié. Ces pays ont été aspirés par le fonctionnement du système capitaliste, dans une position structurellement inégalitaire. C’est le système en lui-même qui est le facteur premier qui a  embourbé ces sociétés, pour y distiller des carences en développements, et de la paralysie chronique à travers cette partie du monde. Le tableau s’est assombri encore par la situation de dépendance financière engendrée par le poids de la dette des Etats, la misère et l’instabilité des peuples du « monde musulman » s’est encore aggravée. Et force est de constater qu’il n’y a nul mystère à cet accroissement catastrophique de la dette depuis 40 ans. Dans le contexte de la crise économique rampante, le grand capital investissait de moins en moins dans la production. A la recherche de placements qui ramènent, le système bancaire des pays riches Occidentaux a redécouvert l’avantage des prêts, à taux souvent usuraires, aux pays pauvres.

Ce système bancaire des pays riches a pour ainsi dire imposé ces prêts aux États des pays pauvres. Certes, les gouvernants de ces États avaient bien des raisons de répondre positivement aux propositions qui leur étaient faites. Ils pouvaient bien sûr prélever leur part personnelle au passage, accroître leurs dépenses d’armement, et par là même asseoir la sécurité de leur pouvoir. Les dirigeants de ces Etats supportaient les pressions amicales de leurs amis du monde libre, qui les poussaient à emprunter, ce qui aller se convertir en commandes pour Bouygues, Dassault, etc. Mais à force de calculs, la stagnation du marché, comme la pression des grands groupes capitalistes qui dominent ce marché, se sont conjuguées. Les pays du Sud ou du monde musulman dis-tu, ont été piégé dans une exploitation usuraire dominée par le système bancaire Occidental.

Mais, pour en revenir à nos moutons, qui sont derrière le FMI ? Les États-Unis et leur puissance financière, et ce n’est un secret pour personne encore une fois. Et qui pousse la France à ne pas sortir de l’Europe ? A intervenir militairement en Afrique et au Moyen-Orient ? Ceux qui ne peuvent supporter politiquement un engagement militaire sur trop de scènes à la fois. On ne peut imposer le même scénario militaro-politique _« attaque-réaction-action »_ sans susciter d’interrogations, car le peuple américain n’a rien à voir avoir ses dirigeants. Les responsables locaux face à cette perte de contrôles (émeutes de la faim, grèves, manifestations en Egypte, Maroc, Saint-Domingue…) craignent alors des émeutes dévastatrices. Les despotes au pouvoir élargissent leur pouvoir économique, le droit de gouverner par décret, par mesure de précaution en vue de faire peur aux populations. Tous ces responsables et leurs laquais ont de quoi nourrir de telles craintes, car cette détérioration brutale survient alors que les populations subissent depuis des années déjà les conséquences de la crise de l’économie…que les salaires sont bloqués, quand ils ne sont pas tout simplement impayés depuis des mois comme au Tchad, au Congo, au Mali, Nigeria entre autres.

Pour les grands groupes capitalistes, ce qu’ils perdront d’un côté, ils le rattraperont d’un autre : le business de l’armement et du pétrole. La persistance des intérêts impérialistes sur le monde musulman se comprennent aisément vois-tu, car il s’agit des deux continents les mieux logis en termes de ressources naturelles et où la vente d’armes rapporte le plus. A tout cela s’ajoute un facteur supplémentaire qui entre en jeu : les intérêts de la caste politique Etats-Unienne et européenne. Le financement des partis politiques français passe pour une bonne part par l’Afrique comme en témoigne les déclarations de plusieurs conseillers présidentiels et autres spécialistes (financement des campagnes électorales (Bush : Arabie Saoudite, Qatar.. ; France : Gabon, Lybie..). La démocratie parlementaire des pays impérialistes est basée sur le pillage des pays dominés et l’exploitation de leurs forces de travail. Ce constat de Trotsky n’est pas seulement vrai au sens général, mais aussi, dans le sens très concret du financement des partis de ton monde Occidental.

Et oui… ! Tout est lié les élections présidentielles, la défense des intérêts économiques par alliance géostratégiques avec des despotes du Sud, la mise en place de poudrières locales pour maintenir le business de l’armement et donc de l’économie des Etats Démocratiques du monde libre. C’est pourquoi tu observas que ce monde est à feu et à sang, et paye depuis plusieurs décennies la richesse de ses sols. Donc oui, les intellectuels que tu cites ont une analyse intelligente quand ils te rétorquent  que « Non le problème du monde musulman n’est pas l’islam, pas la religion, mais la politique, l’histoire, l’économie, etc. ». Le caractère simpliste, réducteur et malhabile de ton message adressé à un monde musulman, comme à un bloc uni, solide et mue par des préoccupations religieuses annihile toute la pertinence de ton propos. Mais continuons tout de même…

       Cher fils éloigné, tu dis que l’Islam engendre des monstres avec la plus folle assurance en la pertinence de ton propos. Mais au combien, ton jugement est partiel, partial et ton indignation sélective. Quand le terrorisme d’Etat élimine mutile et humilie, il est le plus monstrueux qui soit car il se fait en dépit du droit international et de la Convention de Genève. Quand le gouvernement Birman encourage et planifie l’extermination de sa population musulmane à l’aide des moines Bouddhistes extrémistes. Serait-il légitime d’appeler à une réforme du Bouddhisme en prétextant que Gautama Bouddha est à l’origine de cette violence en « terre bouddhiste ». Les musulmans et chrétiens palestiniens qui voient depuis 68 ans leur pays fondre et disparaître des cartes du mondes, en dépit des résolutions de l’O.N.U qui leur donne raison dans leur combat pour une reconnaissance officielle de leur existence. Serait-il légitime d’appeler à un réforme du judaïsme et rendre responsable l’Ancien Testament et le Talmud de la politique violente et illégale du gouvernement d’occupation. Doit-on appeler à une réforme du christianisme dans toute sa diversité d’Eglises, au nom des massacres menés par les États-Unis sur son sol et tout au long de son histoire. Autant de ventres malades qui enfantent des monstres ?

Va-t-on demander à chaque communauté croyante de changer sa foi et de s’excuser au nom de crimes, qu’elle n’a pas commis et auxquels elle n’a pas pris part. Est-ce que tous musulman, juif, chrétien, bouddhiste, hindouiste, shintoïste, agnostique, athée doit s’excuser pour le mal commis quelque part en ce monde et en son nom. Il est alors peut-être temps d’organiser une marche d’excuse mondiale de 6 milliards d’êtres humains, car cela serait la seule façon d’être équitable dans le partage des responsabilités. Bien sûr des crimes graves sont commis par des individus, groupes ou pays qui prétendent agir au nom de l’Islam. Mais non il n’est pas acceptable, lorsque ces atrocités surviennent, de blâmer l’Islam plutôt que les responsables  eux-mêmes et d’appeler à désacraliser l’Islam qui berce la foi de près d’un tiers de l’humanité. Bien sûr que le terrorisme n’est pas l’Islam et quels que soient tes efforts pour éteindre la lumière du cœur de ces hommes, tu n’y parviendras pas. Pourquoi ? Parce que le cancer n’est pas dans l’Islam, et tu ne pourras pas empêcher, toutes celles et ceux qui en sont convaincus de clamer « pas en mon nom ».

Vois-tu, ton jeune âge t’a privé de la sagesse des anciens et te fait penser qu’un jeune qui a beaucoup voyagé est plus âgé qu’un vieux qui est toujours resté au village…mais la sagesse est le fruit de l’expérience et pas des périples fictifs sur les flots émotionnels d’une philosophie qui a perdue sa rationalité intellectuelle. Avec l’expérience du réel, tu comprendras à force de réflexion que l’Islam n’est pas ce vieil homme malade dont tu souhaiterais modifier le testament. C’est ce monde qui l’est, ce sont les hommes qui détruisent les vies, ce sont les hommes qui pulvérisent les villages à coup d’armes de démocratisation massive. Ce n’est pas l’Islam qui a inventé la bombe atomique. Ce n’est pas l’Islam qui extermine dans des camps de travail et de concentration. Ce n’est pas l’Islam qui pulvérise au Napalm et à l’arme chimique des populations civiles. Ce n’est pas l’Islam qui viole la dignité humaine; d’hommes, femmes et enfants derrière des barreaux de fer sans avocats ni procès.

Tu demandes à ce monde musulman accablé de toutes parts, ce qu’il a encore d’admirable? Ce qui reste digne de susciter le respect et l’admiration des autres peuples et civilisations de la Terre? Où sont tes grands hommes, qui sont tes Mandela, qui sont tes Gandhi, qui sont tes Aung San Suu Kyi? Cher enfant perdu, ton combat n’est pas celui qui rendra son honneur, sa dignité et sa liberté aux jeunesses de ce monde musulman. Ne vois-tu vraiment pas, à quel point le décalage est grand entre ta vision manichéenne et les combats des petites gens de ce monde. La philosophie t’aurait-elle privée de toute lecture historique et politique du monde. Ces grands hommes que tu cites sont africains, asiatiques, indiens et leurs points communs est la lutte politique pour libérer leur peuple de l’oppression totalitaire et leur permettre de vivre libre. Jamais ils n’ont remis en cause la sacralité pour en faire un étendard de paix et de liberté, la lutte a été contre la cruauté des hommes qui usent des lois terrestres pour opprimer sans vergogne. Jamais leurs combat n’a été celui du laïcisme militant ou du réformisme des Textes Sacrés.

Tu demandes où sont les grands hommes du monde musulman, comme si la seule notoriété publique d’un homme était le gage de la valeur accordée à son combat. La lutte contre les dictatures, contre la pauvreté, contre les inégalités de classes, contre l’impérialisme n’a pas de slogan. Les grands hommes sont en prison, périssent sous les balles ou luttent au quotidien pour faire survivre leur famille dans la plus grande humilité et dignité. Les grands hommes, femmes et enfants sauvent des vies sans jamais que l’on érige statut, trophée ou défilé en leur gloire. C’est le combat du monde d’en bas, la lutte invisible à ceux qui ne voient pas. Tu ne connais pas leurs noms, mais pas leurs sacrifices, ils contribuent chaque jour à ce que le monde soit meilleur. Et comme l’a dit ce grand humaniste Nelson Mandela: « On m’a souvent demandé : Qui est votre héros ? Je réponds : je ne choisis pas mon héros en fonction de la position qu’il occupe. Mes héros sont ces hommes et ces femmes qui se sont impliqués pour combattre la pauvreté où qu’elle soit dans le monde ».

     Cher fils éloigné, ton indignation est décidément beaucoup trop sélective !… Les vrais problèmes du monde musulman, et là c’est toi qui t’illusionnes, ne sont pas l’Islam et ses dérives.  Mais plutôt les dépenses de santé véritable tragédie des pauvres de ce monde ; l’ingérence économique et institutionnelle croissante sous prétexte de l’étranglement financiers de ses Etats ; des appareils d’Etats incompétents et corrompus incapables de répondre aux explosions sociales nées des inégalités économiques ; le plan Etats-Unis/Europe d’instauration d’un multipartisme officiel et d’élections pour masquer le maintien des dictatures en place et continuer l’escroquerie financière entre tyrans et démocrates ; les stratégies d’exacerbation des rivalités ethniques/culturelles/régionales comme soupape pour  désamorcer les colères que la haine des dictatures risquait de cristalliser en un renversement des pouvoirs en place. Voilà ce qui étouffe les jeunesses de ce monde musulman, qui lorsqu’elles ne fuient pas les balles, les bombes, les policiers, les tortionnaires pénitenciers ne cessent de manifester pour du travail, contre les inégalités sociales, contre les dictateurs.

L’humanisme n’est pas l’antipode de l’Islam. Faut-il encore méditer, faut-il encore écouter. Ecouter ces jeunesses musulmanes qui quand elles ne sont pas laïques, sont condamnées au silence par l’Occident. Car le citoyen du monde musulman ne peut être humaniste et croyant, tolérant et pratiquant, engagé et religieux. Son discours n’a d’échos médiatique que par son laxisme ostentatoire ou son extrémisme opportun; les seuls autorisés à promouvoir mondialement un monde musulman qui n’est qu’opprimé ou violent. L’entre-deux n’est pas de mise, toute nuance est bannie. Sauf quand il s’agit d’Islam où toute nuance est permise, et les extrapolations, légions. A travers l’histoire, l’Islam quand il a été appliqué consciencieusement a toujours poussé les musulmans à progresser dans les sciences, dans le progrès technologique et dans le brassage culturel.

 Ce n’est que quand la corruption des personnes et des idées, a installée son pouvoir, que le chaos est apparut. Et tous les livres d’histoire et les plus grands spécialistes en sont les témoins. Pourquoi donc maudire l’Islam et demander sa réforme, quand un de ceux qui ont œuvré pour la liberté et la paix entre les peuples a proclamés : « Je suis désormais plus que jamais convaincu que ce n’était pas l’épée qui créait une place pour l’Islam dans le cœur de ceux qui cherchaient une direction à leur vie. C’était cette grande humilité, cet altruisme du prophète, l’égard scrupuleux envers ses engagements, sa dévotion intense à ses amis et adeptes, son intrépidité, son courage, sa confiance absolue en Dieu et en sa propre mission. »Mahatma Gandhi. Encore une fois, non l’Islam est innocent et n’a rien à voir avec la misère de ce monde. Cette dévaluation de l’Islam qui est tienne, comme bouc-émissaire de tous ce qui afflige le monde musulman, est symbolique de ta méconnaissance de l’histoire des civilisations humaines. Comme est symbolique aussi à sa façon le procès que tu fais d’un vieillard sur son lit de mort, auquel tu voudrais forcer la main pour modifier son testament. Mais la relève est là, les enfants sont là pour préserver son héritage car quoi que laisse présager la gravité de la situation de ce monde musulman : on entend le fracas des arbres qui tombent, mais pas le murmure de la forêt qui pousse.

 En effet dans ce monde et pas qu’en Afrique, Moyen-Orient et Asie…mais en Amérique latine, en Amérique du Nord, en Europe, il reste des personnes qui n’acceptent pas ce vers quoi on les pousse. Beaucoup sont conscients que nous ne sommes pas ennemis les uns des autres. Beaucoup voient que pendant que les uns périssent dans des affrontements feutrés, pour dépecer ces pays, et s’enfoncent dans une misère indescriptible. D’autres étonnamment, en dépit des bilans les plus alarmants, poussent à consommer, consommer toujours plus, et faire marcher la machine à billets et renflouer les caisses des banquiers. Peu importe si la Nature n’en peut plus, que ses sols dépérissent, que ses travailleurs s’éreintent et que le monde court à sa perte. Peu importe le réel, il est plus à la mode, dans les médias ou dans les essais d’écrivains, de consacrer articles et émissions à l’incompatibilité de l’Islam. A toutes les raisons singulières et frappantes qui feraient que le monde musulman, à cause de sa foi reste sous-développé et barbare, imperméable à toute modernité.

Mais voyons …Ce dont le monde musulman souffre n’a rien à voir avec ce que contient l’Islam, comme enseignements et comme lois prescrites. Ce monde musulman est mortellement malade de l’organisation capitaliste de la société à l’échelle de la planète. Pas de la manière de réguler son temps, pas du rapport que chacun entretient à son corps. Pas de la perception du bien et du mal. Ce n’est pas l’Islam qui sous-paye, qui vole, qui martyrise, qui corrompt les organes institutionnels. Qui muselle la presse, qui discrimine socialement, qui emprisonne les opposants…Par ces temps où la réaction triomphante présente l’économie de marché, comme la voie éternelle sur le sentier de la modernité, le monde musulman est là pour témoigner non seulement de l’injustice fondamentale de cet ordre, mais aussi de son caractère rétrograde et néfaste. Le capitalisme n’a pas fait un sort à part aux musulmans du monde africain et oriental. Il lui impose le sort qu’il fait subir à tous les pays sous-développés, mais il le fait subir en pire en jouant de ses symboles identitaires.

Tu as pourtant raison sur un point : il n’y a pas d’autre voie pour ce monde musulman que la voie de la révolution et de la réforme sociale, de la possibilité d’une « troisième voie » pour se débarrasser de ses dépendances idéologiques. Ces provocations permanentes, cette opposition de classes visible provoquera inévitablement des explosions, des émeutes de la faim, comme elle en a déjà produit. Il y eu, il y a et il y aura des révoltes dans le monde musulman. La question décisive est de savoir si l’énergie de ces déflagrations se consumera de manière stérile, c’est-à-dire sans toucher aux fondements de la société. Si elle pourra être déjouée et orientée à des fins douteuses, vers des voies qui mènent à une aggravation des maux de la société ou si enfin elle ramènera l’équilibre par le chamboulement de l’ordre économique et social injuste qui exaspère ce monde musulman. Car seul le rassemblement des hommes autour d’une recherche concrète de solutions à la destruction de cette planète, et à la paupérisation croissante d’une majorité face à l’enrichissement d’une minorité puissante et meurtrière, pourra apaiser les tensions grandissantes entre ces individus, les peuples et les Etats.

Tout cela paraît utopique aujourd’hui ? Peut-être. Mais la certitude à laquelle cette « utopie » s’oppose, c’est que sous l’accusation de l’Islam et la volonté de la réformer comme solution aux maux de l’humanité, on ne peut s’attendre à rien d’autre qu’à la plongée permanente dans la division de cette même humanité. Vouloir réformer l’Islam ne va pas réformer les systèmes, les sociétés ; c’est au contraire de cette volonté de nuire au Sacré pour des millions d’êtres qui pourrait ajouter plus encore de divisions. Seul ce qui paraît utopique aujourd’hui peut fonder pour demain une autre réalité, car cette utopie-là est inscrite dans l’évolution de l’humanité. Comprends bien que ce monde musulman est fait d’hommes à terre, de femmes à l’honneur entaché, de vieillards sur leurs lits de morts et de jeunesses désabusées. Mais saches aussi qu’il se trouve aussi par-delà les frontières de la pensée unique, de l’opposition binaire et des caricatures réductrices des peuples …en Afrique au Orient en Asie en Amérique en Europe, une majorité de femmes et d’hommes de foi islamique pour se consacrer à ces causes primordiales et au dialogue interculturel pour sauver le monde en même temps que l’humanité qui nous lie.

Cher fils éloigné qui regarde du dehors et de loin …Voilà une révolution pacifique, mondiale et spirituelle qui unie plutôt que désunie.

 Samira B.

http://lettreaumondemusulman.unblog.fr/

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